Menu
Libération
Liberté de la presse

Etat d'urgence : un journaliste également interdit de couvrir la manif contre la loi travail

Loi travail, la réforme qui fâchedossier
Dossiers liés
Selon Buzzfeed, un journaliste a reçu un arrêté préfectoral l’interdisant de couvrir les rassemblements de mardi contre la réforme du code du travail. Des militants antifascistes ont également été «interdits de séjour» à la manifestation.
Manifestation contre les violences policière à Rennes samedi. (Photo Vincent Feuray pour Libération)
publié le 15 mai 2016 à 20h57
(mis à jour le 16 mai 2016 à 19h55)

Après avoir interdit à des activistes «antifascistes et anticapitalistes» de participer à la manifestation unitaire du 17 mai contre la loi travail, la préfecture de police de Paris a également décidé d'interdire à un journaliste, titulaire d'une carte d'agence de presse*, de couvrir la mobilisation, révèle Buzzfeed France. NnoMan (un pseudonyme) est photographe, membre du collectif OEIL (Our Eye is Life), collabore notamment pour le magazine Fumigène.

L'arrêté «d'interdiction de séjour», qui ne mentionne pas le fait que NnoMan soit journaliste, justifie cette décision par sa présence «à de nombreuses reprises, lors de manifestations contre, notamment, les violences policières et le projet de réforme du code du travail», qui ont dégénéré «en troubles graves à l'ordre public». Il «y a tout lieu de penser» que la présence du photographe à ces rassemblements «vise à participer à des actions violentes», précise même le document, dont Buzzfeed publie des extraits. NnoMan a plusieurs fois documenté des violences policières et avait notamment filmé un manifestant assommé après avoir chuté dans le métro et des CRS ne lui portant pas secours. Son avocat, qui dénonce «une grave atteinte à la liberté de la presse», a décidé de contester cette décision devant le tribunal administratif.

Des militants du collectif Action antifaciste Paris banlieue ont également reçu des arrêtés préfectoraux similaires, leur interdisant toute présence lors de la manifestation de mardi, ainsi qu’autour de la place de la République, où se déroule chaque soir depuis un mois et demi «Nuit debout».

Les dispositions de l'état d'urgence, instauré le soir des attentats du 13 novembre qui ont fait 130 victimes, permettent aux préfets «d'interdire le séjour dans tout ou partie du département». L'arrêté, signé du préfet de police de Paris, justifie cette mesure par la présence remarquée de ces activistes «à de nombreuses reprises, lors de manifestations contre, notamment, les violences policières et le projet de réforme du code du travail […] ces manifestations ont dégénéré en troubles graves à l'ordre public», selon le document diffusé par les militants.

Dimanche, la préfecture de police de Paris avait confirmé à Libération que «des arrêtés de paraître [selon la terminologie officielle, ndlr] avaient été notifiés à des individus qui sont à l'origine ou associés à des violentes qui se sont produites», sans pouvoir préciser combien de militants étaient ciblés. Une partie de ces mesures seraient prises dans un cadre judiciaire, ajoute la préfecture. Dans un communiqué diffusé lundi soir, la préfecture a confirmé avoir, «au regard des nécessités de faire respecter l'ordre public», «interdit l'accès sur les lieux des prochains rassemblements à plusieurs individus régulièrement repérés lors des derniers affrontements à Paris», sans préciser le nombre d'arrêtés pris.

Sur leur site, les militants antifascistes s'étaient dits remotivés par ces arrêtés, déclarant que «si le préfet Cadot pense nous porter un coup au moral, il vient de faire exactement le contraire». «Vous voulez nous faire sortir par la porte ? On rentrera par la fenêtre… A bientôt dans les rues…», concluent-ils. Le Social Protest Klub a indiqué sur Twitter que certains de ses militants étaient également concernés.

Depuis le début de la mobilisation contre la loi travail, des affrontements violents ont éclaté dans certaines manifestations et soirées place de la République. L’état d’urgence avait également été utilisé pour assigner à résidence des militants écologistes lors de la COP 21 en décembre.

* Le photographe est titulaire d'une carte d'agence et non d'une carte de presse contrairement à ce qui avait été indiqué dans un premier temps.