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Libération
Billet

Harcèlement sexuel : les hommes ne doivent pas se taire non plus

Harcèlement, levons l'omertadossier
La parole se libère dans les médias sur les cas de harcèlement envers les femmes. Les hommes doivent suivre le mouvement.
(DR)
publié le 15 mai 2016 à 12h38

La semaine dernière, quelques femmes politiques ont eu le courage de témoigner, dans Mediapart et sur France Inter, des agressions sexuelles dont elles avaient été victimes de la part d'un de leurs pairs. Dans la foulée de ces révélations, la parole s'est libérée. Après la tribune du collectif «Levons l'omerta», publiée dans Libération mardi, d'autres femmes victimes ou témoins de harcèlement ont raconté, à la télé, dans la presse, le calvaire qu'elles ou leurs collègues avaient vécu et qui, des années après, laisse encore des traces profondes.

Dimanche, d'anciennes ministres ont, dans la foulée, promis qu'elles ne se tairaient plus. La prise de conscience avance. Mais vous n'avez rien remarqué ? Où sont les responsables de partis ? Jean-Christophe Cambadélis ? Jean-Luc Mélenchon? Nicolas Sarkozy ? Et François Hollande ? N'avez-vous donc rien à dire, à répondre, à vos collègues et anciennes ministres ? Et où sont nos grands intellectuels et universitaires si prompts depuis quelques mois à signer des pétitions contre les discriminations faites aux femmes et pour la république une et indivisible ? Et que dit le Medef ? Et les grands patrons ? Ils n'ont rien vu, rien entendu ? Et que disent les syndicats, dont le silence se fait d'autant plus assourdissant que c'est dans le monde du travail que les cas de harcèlement sont les plus nombreux ? Laurent Berger ? Philippe Martinez ? Avez-vous oublié que vous devez défendre tous les salarié-e-s ?

Et moi ? Est-ce que je vaux mieux que ces silencieux messieurs ? Non. J’ai été témoin de harcèlement. Et je n’ai rien fait. Ou pas assez fait. Je n’ai surtout rien dit. Parce qu’il n’y avait là rien de justiciable et de sanctionnable en droit. Il aurait sans doute suffi de dire au harceleur qu’on savait pour que ses agissements cessent.

Si une femme sur cinq a été ou sera au cours de sa vie victime de harcèlement sexuel, si seulement 5% d’entre elles iront jusqu’à porter plainte, c’est parce qu’il faut être sacrément courageuse pour dire stop à un collègue, un supérieur ou un patron. Il y a différents degrés dans ce que subissent les femmes dans le monde du travail. De la «blague» ou l’affiche un peu sale qui va faire rire les collègues (sa version homophobe existe aussi), les choses plus ou moins sournoises, le mépris… à la version proposant d’échanger une promotion contre une faveur sexuelle. C’est parce que ces femmes pensent, à juste titre, qu’elles ne seront pas entendues, écoutées par leurs collègues masculins, les cadres, etc. qu’elles ne disent rien. Et que le harceleur se sent légitimé. Très souvent, pourtant, nous savons ce qui se passe. Ne faisons plus semblant de ne pas savoir. Et ne nous cherchons plus d’excuses pour ne pas voir et dire. Arrêtons de convoquer la présomption d’innocence, le «c’est parole contre parole», le «c’est pas si grave», la lutte contre le «politiquement correct»…

Lever l’omerta, voilà qui est fait. Maintenant, il faut aller plus loin dans la prise de conscience. Faire en sorte que la parité devienne une réalité dans les directions d’entreprises est un minimum. Allons-nous collectivement rester sourds à ces appels et rester complices ? Ou prendre conscience qu’il y a un problème et que nous pouvons tous, à notre niveau, dire nous aussi «non» ?