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Libération
Reportage

Au mont Beuvray avec Montebourg, candidat à la montée

publié le 16 mai 2016 à 20h21

Ambiance colo de vacances plus que «salle des Quatre-Colonnes» pour le rendez-vous politique du lundi de Pentecôte. La presse embarque dans un TGV pour suivre Arnaud Montebourg et ses amis socialistes dans l’ascension du mont Beuvray, dans le Morvan. Plutôt une colline, sur laquelle, jadis, Vercingétorix unifiait les tribus gauloises.

Le lieutenant de l'ex-ministre au Redressement productif, François Kalfon, assure le teasing. En haut, nous attendra une «surprise». Une semaine plus tôt, Montebourg, s'était déclaré «prêt à prendre ses responsabilités». Face à un PS d'accord sur le principe de la primaire mais qui joue la montre, le calendrier se complique : «Il faut faire notre deuil d'une primaire super bien organisée, bien carrée, comme en 2011», reconnaît le député Laurent Baumel. Tout l'enjeu est de la rendre incontournable.

Le parking se remplit. Marinière et bâton de marche sont visiblement le dress code. Il y a Brigitte, «militante socialiste frondeuse», qui soupire : «C'est pas simple, le PS.» Hors de question de «déserter» le parti. Avec des camarades, la jeune retraitée a fait plus de deux heures de route pour emboîter le pas de Montebourg. Comme tous les supporteurs de ce héraut de la démondialisation débarqué voilà deux ans du gouvernement, elle aimerait «beaucoup» qu'il se «déclare candidat».

«Procession».Le départ du convoi est laborieux. «A la vitesse d'un escargot de Bourgogne, on n'est pas arrivés», se plaint un anonyme qui trouve que «cela fait très procession, quand même». Le député de Saône-et-Loire cite Mitterrand : «Faire de la politique, c'est entendre la misère sociale» pour mieux l'opposer au «gouvernement de gauche qui fait aujourd'hui de la dérégulation son seul credo». Il passe le micro à Christian Paul. «Il y a eu des années plus intimes, il y en a des plus ardentes, comme celle-ci», débute le patron des frondeurs avant de dénoncer cette «violence démocratique» du 49.3 et de réclamer une primaire pour y porter «le projet de la prochaine gauche». «Nous ne sommes pas une fronde, mais une fidélité aux sermons de 2012, à vous et à tous les Français.» Les députés sont invités à s'écarter pour faire place à Montebourg, «citoyen libre mais engagé», comme il se définit, «petit entrepreneur, travaillant comme tout un chacun dans des PME». Vice-président d'Habitat et ancien ministre, quand même. Et c'est parti pour un discours fleuve, dont la construction reprend la fameuse anaphore de Hollande, «Moi, président». Sauf que dans la version de Montebourg, cela devient : «Etre de gauche, c'est…» Le tout en douze points, truffés de rapprochements plus ou moins tirés par les cheveux entre politiques, philosophes, écrivains… On y retrouve même le pape François et la journaliste Florence Aubenas. Histoire sans doute de ratisser large avant d'en appeler à la «société civile». Appel adressé aussi aux économistes, entrepreneurs, syndicalistes, innovateurs, artistes, etc.

«Je vous propose de bâtir dans les mois qui viennent un grand projet alternatif pour la France», car «mieux vaut un projet sans candidat qu'une foultitude de candidats sans projet», prévenait-il un peu plus tôt. Et de donner le tempo : «Prenons le printemps et l'été pour le faire.» Autrement dit, si d'ici à septembre, rien ne bouge sur le front de la primaire au PS, l'aile gauche aura construit son propre projet, et il ne lui restera qu'à choisir un candidat.

4×4. Alors ? demande-t-on à deux militants en retrait. «C'est bien joli», soufflent-ils, désabusés. En redescendant de la montagne, un couple a le même sentiment. «Pendant tout le temps qu'il parlait, je me disais : c'est bien beau, mais comment on mobilise maintenant ?» confie la dame. Un gros 4×4 Mitsubishi s'avance pour récupérer Montebourg. Kalfon tique aussitôt et le renvoie discrètement. Il finira par dégotter une Clio pourrie pour emmener le petit entrepreneur adepte du made in France.