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Alternative

Au mont Beuvray, Montebourg en marche vers la présidentielle ?

L'ex-ministre du Redressement productif devrait se dire prêt à prendre ses responsabilités pour 2017 lors de sa traditionnelle virée de Pentecôte, ce lundi.
Arnaud Montebourg à Saint-Léger-Sous-Beuvray, lors du lundi de Pentecôte de 2012. (Photo Thierry Zoccolan.AFP)
publié le 16 mai 2016 à 9h11

Chaque lundi de Pentecôte depuis 2004, année où la droite a supprimé ce jour férié, Arnaud Montebourg et ses amis socialistes de la Nièvre et de Saône-et-Loire font l'ascension du mont Beuvray, en signe de protestation. L'an dernier, avec sa compagne Aurélie Filippetti, le Bourguignon attendait les troupes au sommet, en ce lieu où Vercingétorix avait unifié les tribus gauloises. C'était moins d'un an après son éviction du gouvernement, motivée par «la cuvée du redressement» qu'il voulait expédier à Hollande depuis la fête de la rose dans son fief de Frangy-en-Bresse, organisée la veille. Viré aussi, et même surtout, pour ses propos au vitriol contre la politique économique du gouvernement Valls.

«Une alternative à gauche»

Lors de l’édition 2015 du mont Beuvray, celui qui a arrêté «la politique professionnelle» et joue depuis à «Monsieur tout le monde», esquivait mollement les journalistes pour que les caméras se concentrent sur le député frondeur de la Nièvre Christian Paul, à quelques jours du congrès du PS à Poitiers. Cette année, c’est la présidentielle de 2017 qui semble en ligne de mire de ce rendez-vous. D'autant que, cette fois, la manifestation est taillée pour la presse. La couverture en 3G étant pour le moins chaotique dans la zone, une camionette avec une antenne satellite est prévue. Elle assurera le wifi pour les journalistes en haut du mont. A son pied, de grandes tentes seront installées pour se replier en cas d'intempéries. De quoi assurer une bonne couverture médiatique du discours de Montebourg, prévu pour durer une demi-heure, pile avant les JT de 13 heures. Que dira-t-il ? Dans son entourage, personne n’imagine une annonce de candidature de Montebourg pour 2017. «Je ne m’attends pas à ce qu’il se déclare candidat au mont Beuvray, mais je souhaite un discours qui donne des perspectives», explique Laurent Baumel, député d'Indre-et-Loire. Ce proche constate cependant que «Montebourg ne fait pas d’interventions médiatiques si elles ne s’inscrivent pas dans une offre politique organisée. Donc s’il recommence à se faire entendre, c’est qu’il y a quelque chose derrière». «L’année est encore longue, mais il est évident qu’il y pense, il y travaille, comme d’autres», note pour sa part le sénateur Jérôme Durain, également premier secrétaire fédéral du PS de Saône-et-Loire. «Il y aura des orientations au fond, mais pas de candidature», confirme un autre supporter.
Pour Christian Paul, «ce qui est essentiel aujourd’hui, c’est la recherche d’une alternative à gauche pour la présidentielle». «Après les sanctions électorales successives, la gauche a baissé la garde et les choix récents, avec les lois Macron et El Khomri, ont ouvert la brèche à un réformisme violent de droite, ultralibéral», déplore le frondeur, fondateur, notamment avec Montebourg, du Nouveau parti socialiste, un courant interne créé en 2002 et éteint depuis. «Parce qu’on ne va pas rester les bras croisés en attendant que le pire nous tombe dessus, [Montebourg] devrait lancer un travail de fond, en citoyen attentif et pas en présidentiable», selon Philippe Baumel. Et le député de Saône-et-Loire de tâcler au passage «tous ces candidats qui s’avancent ces dernières semaines sur leur seule trombine». Aux yeux de Laurent Baumel, «c’est Montebourg qui pourrait le mieux incarner l’idée d’alternative. Il a la notoriété et la visibilité requise [et] en tant que ministre du Redressement productif, il a pu affirmer sa vision, son identité.»

Montebourg serait un recours à la «désaffection des militants» qui se sentent «abandonnés» et «trahis», d'après les mots de Jerôme Durain. Car celui qui a posé en une du Parisien magazine en marinière, robot ménager sous le bras, «a montré qu'un ministre pouvait influer sur le cours des choses», argumente le sénateur. «La marque de fabrique de Montebourg, c'est le volontarisme […], il a la passion du politique, il a la conviction que la politique peut changer la vie des gens. […] Il a réussi à toucher le cœur des Français avec le made in France.» D'ailleurs, ce fidèle prédit qu'«entre les difficultés gouvernementales et le contexte de la présidentielle, il y aura plus de monde au mont Beuvray, et notamment des parlementaires».

«Construire un discours»

Certains socialistes expliquent que la manifestation vise à réveiller les réseaux militants, bien endormis – voir déçus – depuis que Montebourg a abandonné ses comités constitués durant la primaire de 2011. L’ancien leader de courant socialiste n’a jamais investi le terrain du parti, laissant même ses proches se faire écraser dans les instances au dernier congrès. «Dans le contexte de 49.3 et des 56 députés de gauche qui signent une motion de censure de gauche pour s’opposer à la loi travail», un autre socialiste estime que le héraut de la «démondialisation» ne «pouvait rêver mieux» comme calendrier. D’ailleurs, un responsable de l’aile gauche observe que, contrairement aux années précédentes, «l’information a beaucoup plus circulé que d’habitude» pour rameuter des socialistes. «Ils sont dans une démarche de séduction subtile, dit-il encore. Maintenant, il faut construire un discours». Rue de Solférino, on s’attend à ce que le troisième homme de la primaire de 2011 (17 %), qui n’a pas répondu à celle lancée dans les pages de Libération en janvier, réclame depuis Beuvray une primaire à son parti.