Au rassemblement annuel des musulmans, qui s'est tenu ce week-end au Bourget, il y a les historiques, les grandes librairies Sana ou Ennour par exemple, qui occupent de vastes stands, bien placés au cœur du hall commercial. «Elles sont présentes depuis les débuts», explique-t-on à Gédis, la société commerciale contrôlée par l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), maître d'œuvre de la manifestation. Installées à l'année rue Jean-Pierre Timbaud, au cœur du XIe arrondissement de Paris, elles traversent, ces temps-ci, certaines difficultés. «Depuis les attentats de novembre, leur clientèle s'est raréfiée, poursuit-on à Gédis. Elles comptent rattraper ici leurs chiffres d'affaires.»
Tel le recteur de la Grande mosquée de Bordeaux, Tareq Oubrou, pas mal d'intellectuels musulmans ont l'habitude de faire le tour des libraires, au Bourget, pour se tenir au courant des nouveautés en matière de livres islamiques. Parmi les historiques aussi, il y a les stands de marchands de vêtements. On peut y acheter deux voiles pour un euro, ou encore de longues abayas (des robes orientales) bradées à dix euros.
Venu de Bruxelles avec quelques amis, Ahmad règle le cadeau qu'il vient d'acheter à sa femme. «Elle est restée à la maison car elle est enceinte, raconte-t-il. C'est la première fois que je viens au Bourget. Je suis très impressionné. Je ne pensais qu'il y avait autant de choses.» Ahmad a très peu dépensé mais a beaucoup donné aux organisations humanitaires, dont la présence s'accroît d'année en année. «Je suis surpris par la générosité des musulmans», poursuit l'homme qui fait l'aller-retour depuis Bruxelles dans la journée.
«Modest fashion»
En arpentant les allées bondées et bruyantes du rassemblement, qui se poursuit jusqu'à lundi soir, c'est une nouvelle économie qui se dévoile. Créées le plus souvent par des trentenaires issus de milieux musulmans, de nombreuses petites entreprises tentent de trouver une place sur le créneau (très en vogue) du «marché ethnique». Pour elles, le Bourget et ses 150 000 visiteurs est un rendez-vous à ne pas rater. Ali Djedid, lui, est venu vendre des burkinis et promouvoir cette fameuse «modest fashion» (mode dite «modeste», c'est-à-dire islamiquement correcte) qui a défrayé, il y a quinze jours, la chronique. Il affiche une allure cool, reconnaît que sa petite amie ne porte pas de burkini, et nie faire du prosélytisme religieux : «Je réponds à un besoin, c'est tout. Sur cette question, les Anglo-saxons sont beaucoup plus décontractés que les Français.» Le long des plages françaises, le burkini a encore du mal à percer. «Je le porte, oui mais pas en France, reconnaît cette jeune trentenaire voilée. Je le fais en vacances, à Dubaï ou en Indonésie.»
Quelques allées plus loin, Sabrina, maquillage parfait et turban élégamment noué autour de la tête, est venue faire connaître son agence matrimoniale musulmane (Abelni), qui existe depuis trois ans. «Je veux rendre service à ma communauté, et mettre en contact des gens bien», explique-t-elle. Installée à l'année sur une péniche, elle a conscience de ramer un peu à contre-courant. «Je sais que l'image des agences matrimoniales n'est pas positive, dit-elle. Deux ou trois sur le même créneau que moi ont déjà fermé.» En revanche, le marché du bien-être et de la beauté semble très porteur. Les produits naturels, à base de graine nigelle, sont à la mode. Créée il y a un an, une petite entreprise (Barb'art), spécialisée dans les soins pour la barbe, retient l'attention. Elle propose des lotions, des savons, des huiles hydratantes, des peignes à barbe. Echaudé par une interview télé, le fondateur refuse de s'exprimer. Sa barbe – impeccable – parle pour lui.