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Libération
Billet

A gauche, un pour tous et chacun pour soi

Arnaud Montebourg lors de son ascension du mont Beuvray, le 16 mai. (Photo Laurent Troude pour «Libération»)
publié le 17 mai 2016 à 20h01

Du sommet du mont Beuvray, avec les collines du Morvan en guise de paysage, Arnaud Montebourg a donc lancé lundi son «appel» à «bâtir» un «grand projet alternatif pour la France». L'ex-ministre de l'Economie, sorti officiellement de sa demi-retraite politique, s'adresse ainsi «aux économistes, aux entrepreneurs et aux syndicalistes, aux innovateurs, aux chercheurs et aux créateurs, aux scientifiques et aux artistes, et tout simplement aux Français qui veulent peser sur le destin de notre nation et de notre continent». Soit. Qui peut critiquer un tel dessein ? Personne. Sauf que cet «appel» d'Arnaud Montebourg est le énième à la gauche de François Hollande depuis 2014 et l'arrivée de Manuel Valls à Matignon. Qu'ils viennent des écologistes, des communistes, des frondeurs socialistes, on ne compte plus les déclarations de bonnes intentions pour construire une «alternative» à la politique actuellement menée.

Pour quel résultat ? On attend toujours.

Le départ des écologistes du gouvernement et le début de la «fronde» parlementaire n'ont eu aucun effet à l'Assemblée, si ce n'est cette menace d'une motion de censure «des gauches», sur le projet de loi travail, qui n'avait aucune chance de renverser le gouvernement. Il y a bien eu la proposition, en 2015, de créer un groupe «rouge-rose-vert» dans l'hémicycle. Que ce soit Cécile Duflot chez les écologistes, Pierre Laurent côté communiste ou Christian Paul à l'aile gauche du PS, tous ont décliné l'offre. Nicolas Hulot travaille, lui, dans son coin, à une «plateforme». Montebourg, sollicité en début d'année par les initiateurs d'une primaire «des gauches et de l'écologie», n'a même pas daigné leur répondre pour soutenir le projet qui, petit à petit, devient un lointain mirage. Comme à chaque fois, les intérêts de chapelle mêlés à la prétention de chacun des aspirants à l'Elysée de croire qu'à la fin, tous les autres se tourneront vers lui, ne font que souligner le couteau sans lame d'une gauche toujours capable de se dire «prête à l'union», mais qui, au-delà des grandes phrases, se montre incapable de passer aux travaux pratiques et de casser les murs de ses partis. Où sont les ébauches de programme commun ? Qui s'occupe de caractériser «ce qui rassemble» ces familles désireuses d'une politique plus à gauche ? Comment définir, à un an de la présidentielle, les règles de désignation d'un éventuel candidat commun ? A trop palabrer sans offrir de cadre politique concret, les responsables de cette gauche découragent aussi ces citoyens qui aimeraient - justement - construire un «projet alternatif». Pendant ce temps, Jean-Luc Mélenchon installe sa candidature dans le paysage et se rend incontournable. Et François Hollande peut déclarer sans risque, comme mardi sur Europe 1, qu'«en dehors de la ligne qu'[il] représente, il n'y a pas d'autre alternative». Un refrain rendu possible par leur propre impuissance.