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Libération
EDITORIAL

Transparence

Publié le 17/05/2016 à 20h51, mis à jour le 17/05/2016 à 20h51

Comme la musique, le numérique va-t-il adoucir les mœurs ? La généralisation des «objets filmants», les portables principalement, change la donne du maintien de l'ordre. Police et manifestants, désormais, évoluent sous l'objectif omniprésent de milliers de reporters bénévoles, qui diffusent aussitôt sur les réseaux les scènes de violence qui émaillent les manifestations. Cette transparence nouvelle a des effets encore difficiles à mesurer, mais à coup sûr importants. Elle comporte un risque : une seule scène d'affrontement, si elle est choquante, peut donner une idée fausse de l'ensemble. Impressionné par telle ou telle image, le public peut imputer à une des parties la responsabilité essentielle de la violence. Certains retiendront les brutalités inadmissibles commises par des policiers sur des manifestants pacifiques ou bien en fuite, comme à Rennes, pour incriminer les forces de l'ordre dans leur ensemble. D'autres, devant la violence de certains manifestants, tendront à confondre la masse des protestataires avec la minorité agressive qui détruit vitrines et mobilier urbain ou qui attaque la police avec une détermination coupable, quand elle ne s'en prend pas… au service d'ordre syndical, aimablement qualifié de «collabo». Comme toujours, l'image demande explication et mise en contexte, c'est-à-dire un travail journalistique. Mais l'éclairage de plus en plus cru de la protestation peut avoir une double vertu : mettre en lumière l'action délétère des activistes du genre Black Block qui s'emploient en fait à discréditer le mouvement social au nom d'une idéologie fumeuse ; obliger la police à proportionner strictement la riposte et à sanctionner ses propres dérapages. Une sorte de Big Brother citoyen…