Elle était en train de lui administrer une gâterie quand, observant soudain la marque de son caleçon «Le Slip Français», elle éclata de rire, abrégeant de facto la fellation. Son bénéficiaire n’étant pas d’humeur à plaisanter en cet instant, il se mit à l’étrangler puis à la rouer de coups. Affaire jugée ce mardi à Paris, au sein d’une litanie d’autres cas de violences conjugales sur fond d’alcoolémie. Mais celle-ci sort de l’ordinaire du tribunal correctionnel.
«L'histoire est tellement grotesque que je n'ai même pas envie d'entrer dans les détails», maugrée la présidente. Mais la Justice avant tout : «Le tribunal est obligé de se pencher dans les abîmes, les abysses du comportement humain.» Jules (1) est pourtant un fils de bonne famille, bien connu des médias, quoique d'origine étrangère avant adoption, et travaille dans la communication. «Il est hallucinant qu'une personne, issue d'un tel milieu culturel, se laisse aller à ce genre de situation», comme si cela était réservé au sous-prolétariat.
Le jeune homme ne nie pas les faits et leurs conséquences, sept jours d'interruption de travail pour Julie – «un véritable passage à tabac», relève le tribunal. Mais tient à renverser singulièrement les rôles : «C'est elle qui était violente, pas moi.» Lui-même brandit un certificat médical faisant état d'une côte cassée ou fêlée, sans qu'on sache quand ou comment : «Elle est devenue hystérique et s'est jetée sur moi.»
«Surenchère malsaine»
Après avoir quitté brusquement le domicile de Jules, la jeune femme y revient toutefois un peu plus tard, pour récupérer le chargeur de son téléphone. Nouveaux coups, nouvelle strangulation. Julie se décide à porter plainte, alors que jusqu'ici tout allait bien à ses yeux : «Il était violent en paroles mais pas dans ses actes, donnant juste des petits coups de pieds de temps en temps…»
La procureure tente de comprendre l'enchaînement des faits : «Vous étiez dans un moment intime. Quand elle a rigolé, vous vous êtes vexé ?» Jules s'apitoie une fois de plus sur lui-même : «Oui, un peu. Psychologiquement, j'étais dégoûté de me retrouver dans cette situation. C'était fini entre nous, mais je me suis un peu laissé aller quand elle a déboutonné mon pantalon.»
L'avocat de la plaignante se dit «extrêmement inquiet : ce jeune homme, pur produit du VIe arrondissement, vit dans un cocon doré, un piège à fille. On n'est pas passé loin de la mort par strangulation et il s'en moque éperdument. Il se dit lui-même roué de coups, ce mensonge dépasse l'entendement !» La procureure requiert dix mois de prison avec sursis pour ces faits «graves et inadmissibles», sans obligation de soin car «dans son milieu favorisé, il a les moyens intellectuels et culturels de se prendre en charge». L'avocate de la défense, campant la «surenchère malsaine de violence d'un côté comme de l'autre», plaide finalement qu'une «petite peine avec sursis paraît correspondre». Pour une fois, le tribunal s'est donné plusieurs jours de réflexion, quand les cas moins huppés étaient jugés après délibéré d'une poignée de minutes.
(1) Les prénoms ont été changés.