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Appel des 40

Pourquoi je signe «l'appel des 40», par Jean-François Rial, PDG de Voyageurs du monde

L'appel des 40 au CAC 40dossier
Jean-Francois Rial, PDG de Voyageurs du monde, en 2006 à Paris. (Photo Olivier Laban-Mattei. AFP)
publié le 19 mai 2016 à 16h34

«En dépit de certaines réserves, je signe car des écarts de rémunération trop importants au sein des entreprises et dans le monde du travail en général génèrent inévitablement des tensions sociales qui ne sont ni bonnes pour les dirigeants eux-mêmes, ni pour leur entreprise, ni pour la société dans son ensemble. Je signe également parce que cette pétition a le grand mérite de poser le débat sur la place publique. Je gagne 200 000 euros de salaire fixe, plus une part variable de 100 000 euros en tant que PDG du groupe que nous avons développé avec mes associés il y a plus de vingt ans maintenant. Cette rémunération s'appuie sur deux fondamentaux que l'on ne voit pas toujours dans le CAC 40. Une "proportionnalité" raisonnable et équilibrée au regard de la taille de l'entreprise et de son échelle de salaires d'une part ; une "lisibilité" très claire de la part variable, indexée de manière très simple sur les résultats de la société de l'autre.

«Je m’interroge néanmoins sur le fait d’en passer par la loi, ce n’est pas forcément une bonne idée. Il vaut nettement mieux convaincre que contraindre. Cela risque en effet de donner lieu à des montages afin de détourner la loi et de provoquer des délocalisations à l’étranger de sièges des grands groupes. C’est pourquoi le fait de rendre contraignants les votes des assemblées générales d’actionnaires, qui sont déjà consultés sur la rémunération, serait une véritable avancée et devrait être intégrée de manière très claire et non facultative dans les codes "éthiques" des instances patronales. Cette règle existe déjà en Allemagne et en Angleterre… Si on signe ces chartes et adhère à ces organisations, on doit respecter leurs règles, c’est tout. Il paraît inconcevable que les conseils d’administration, dont on connaît la "consanguinité" dans les modes de cooptation, passent outre l’avis de l’assemblée générale des actionnaires, qui constitue le cœur de la démocratie actionnariale au sein des entreprises.

«Les rémunérations dans le CAC 40 me semblent parfois surévaluées par rapport aux performances réelles de leurs dirigeants, avec des modes de calcul extrêmement compliqués et discutables, qui opacifient et rendent illisibles ces revenus disproportionnés dans certains cas. Enfin, je ne partage pas l’idée selon laquelle la "guerre des talents" et leur rareté sur la place justifieraient ces rémunérations exorbitantes. Contrairement à ce que l’on lit et entend, les managers capables d’exercer ce type de postes sont de plus en nombreux, cela va de pair avec les progrès de la formation et la professionnalisation des procédures de sélection et les parcours effectués au sein de ces grandes entreprises.

«A contrario, le plafonnement des rémunérations des grandes entreprises publiques est clairement trop bas, il faut aussi avoir le courage de le dire.»

Recueilli par Christophe Alix