Patrick Calvar parle peu. Mais le 10 mai, lors de son audition par la Commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale, le patron de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) a dit des choses. Certaines, que l’on pressentait – non sans un certain effroi –, et d’autres plus surprenantes. Voici les quatre infos à retenir.
«Si les attentats de novembre ont été perpétrés par des kamikazes et par des gens armés de kalachnikovs ayant pour but de faire le maximum de victimes, nous risquons d’être confrontés à une nouvelle forme d’attaque : une campagne terroriste caractérisée par le dépôt d’engins explosifs dans des lieux où est rassemblée une foule importante, ce type d’action étant multiplié pour créer un climat de panique.»
Bien qu'extrêmement meurtrier, ce mode opératoire semblait avoir veilli. A tout le moins, il ne semblait plus plébiscité par les derniers jihadistes ayant frappé la France, ceux-ci préférant un mode d'action dit «low-cost» – une kalachnikov ne valant guère plus de 350 euros. En effet, depuis janvier 2015, la totalité des attaques qualifiées de terroristes dans l'Hexagone ont été commises à l'arme blanche, à l'arme à feu ou par des kamikazes équipés de ceintures de faible puissance. Ainsi, la logistique est moindre, et le coût relativement faible. Le 22 mars, les explosions de l'aéroport Zaventem et de la station de métro Maelbeek, à Bruxelles, ont remis les attentats à la bombe sur le devant de la scène. Et ont du même coup permis de démontrer que l'Etat islamique (EI) a su former des artificiers professionnels.
«Je souhaite maintenant vous faire part d’une réalité totalement inconnue ou en tout cas jamais soulignée : nous recensons quelque 400 enfants mineurs dans la zone considérée. Les deux tiers sont partis avec leurs parents, le tiers restant étant composé d’enfants nés sur place et qui ont donc moins de 4 ans. Je vous laisse imaginer les problèmes de légalité que posera leur retour avec leurs parents, s’ils reviennent, sans compter les réels problèmes de sécurité car ces enfants sont entraînés, instrumentalisés par Daech.»
Le week-end dernier, la propagande de l'EI a diffusé deux vidéos, dont l'une montre deux enfants francophones vêtus de kamis noir exécutant deux otages en combinaison orange. Selon la séquence traduite il y a quelques jours par Libération, les enfants tueurs seraient les fils d'un jihadiste français connu sous le pseudonyme d'Abu Doujanah al-Faranci («le Français»). Il s'agirait d'un converti arrivé en Syrie en 2012 et mort dans des combats à Alep, probablement en avril 2014. Outre la dangerosité de ces enfants qui reviendront sans doute un jour dans leur pays d'origine – la France –, l'absence d'état civil ou de tuteurs légaux pour nombre d'entre eux est un souci majeur. L'Etat islamique étant un califat autoproclamé, les certificats de naissance qu'il délivre n'ont aucune valeur juridique. Dès lors, il est recommandé au parquet de saisir une chambre civile du tribunal pour prononcer un jugement déclaratif de naissance. Le tribunal attribue également un nom, un prénom, une date et un lieu de naissance à chaque enfant.
«Le SIS est un fichier de signalisation dans lequel la DGSI a inscrit quelque 9 000 noms alors que certains de nos partenaires ne l’enrichissent pas, faute de pouvoir le faire pour la plupart.»
Le Système d’information Schengen (SIS) a été fortement pointé du doigt après les attentats du 13 Novembre. De nombreuses voix s’étaient élevées pour remettre en cause la libre circulation des citoyens européens dans l’espace Schengen, jugeant que celui-ci était une passoire peu efficace dans la lutte antiterroriste. Si rien n’oblige les services de renseignement européens à verser les noms de leurs cibles dans cette base commune qu’est le SIS, la DGSI affirme, elle, y avoir inscrit pas moins de 9 000 noms. Un chiffre d’apparence assez élevé. En clair, si un pays européen contrôle un individu répertorié dans le SIS, il «sonne», comme on dit dans le jargon, et le pays en question en informe directement le service émetteur.
«Al-Qaeda a besoin de redorer son blason. Cette organisation a pratiquement disparu de la scène islamiste et voudra, à un moment ou à un autre, tenter une action d’envergure à même de lui redonner une importance telle qu’elle puisse recruter à nouveau.»
La concurrence entre les deux organisations jihadistes bat son plein. Si la tuerie commise par les frères Kouachi à Charlie Hebdo incombait à Al-Qaeda dans la péninsule arabique (Aqpa), l'EI lui a depuis damé le pion avec les attaques du 13 Novembre. Depuis plusieurs semaines, les services de renseignement s'inquiètent «d'une réponse» de l'organisation dirigée par l'Egyptien Ayman al-Zawahiri. Selon le Monde, la cellule terroriste démantelée en France, en Belgique et aux Pays-Bas fin mars pourrait d'ailleurs être affiliée à Al-Qaeda. Elle était composée pour partie par Reda Kriket, un Français de 34 ans originaire de Courbevoie (Hauts-de-Seine), et de Abderrahmane Ameuroud, un Belge de 38 ans. Vétéran de la guerre d'Afghanistan post-11-Septembre, où il aurait participé à l'assassinat du commandant Massoud, ce dernier est présenté comme «un cadre important d'Al-Qaeda en Europe».