«La communauté éducative du lycée Averroès est enfin rétablie dans son honneur», se félicitait jeudi dans un communiqué le lycée privé musulman de Lille, le premier à avoir ouvert en France. La cour d'appel de Douai a confirmé la condamnation pour diffamation non publique de Soufiane Zitouni, ancien professeur de philosophie du lycée, qui dénonçait une dérive islamiste. Dans des échanges de mails privés, il comparait l'établissement à «un nid de vipères».
Une accusation infondée, a estimé la cour. Soufiane Zitouni avait également fait état de cette opinion dans une tribune publiée par Libération, le 5 février 2015, évoquant entre autres l'antisémitisme supposé des élèves. «Cet arrêt est une satisfaction pour les professeurs et les élèves qui se sont sentis calomniés», souligne Hakim Chergui, l'avocat du lycée. «C'est vrai, il y a malheureusement des attitudes antisémites à Averroès, mais comme dans tous les lycées de France, et elles donnent lieu à un recadrage. Monsieur Zitouni a été trop loin sur la généralisation de ces propos», explique-t-il.
La défense du professeur mettait en avant la confidentialité de ces mails. Ce que n'a pas retenu la cour. Selon Me Chergui, le secret de la correspondance a été mis à mal, car les mails ont été retransmis et leur substance publiée dans les journaux. Une interprétation qui surprend Sophie Obadia, l'avocate du professeur : «Si on ne peut plus écrire un mail personnel, et qu'il peut être ainsi déconfidentialisé, cela va mettre à mal les relations sociales.»
La condamnation est de principe, les peines sont faibles : une amende de 10 euros, un euro de dommages et intérêts et 500 euros au titre du remboursement des frais de justice. Me Obadia prévoit de se pourvoir en cassation.
L'affaire commence juste après les attentats à Charlie Hebdo et à l'Hyper Cacher, en janvier 2015. Soufiane Zitouni, proche de Philippe Lançon, journaliste de Libération blessé dans l'attaque de Charlie, publie une première tribune dans le journal, intitulée «Aujourd'hui, le Prophète s'appelle aussi Charlie». Celle-ci soulève au sein du lycée des réactions contrastées, dont s'offusque le professeur de philosophie.
La querelle tourne, selon la direction, à l'affrontement avec le professeur d'éthique musulmane, Sofiane Meziani, qui lui répond dans l'Obs.Proche des Frères musulmans, il donne des cours à la mosquée de Lille-Sud, dont le recteur est Amar Lasfar, président de l'Union des organisations islamiques de France et fondateur du lycée. Les fréristes revendiquent un islam politique, à contre-pied de la laïcité à la française.
Dans le climat post-attentats, une inspection de l'éducation nationale est diligentée, en février 2015, pour vérifier si des germes de fondamentalisme existent à Averroès : elle estime que le lycée «respecte globalement» le contrat d'association avec l'Etat, mais préconise de «clarifier le statut et la place du religieux dans l'établissement».