L'encadrement de la rémunération des patrons a bien failli être adopté jeudi matin à l'Assemblée nationale. Il n'a manqué qu'une seule voix à l'article 1 de la proposition de loi (PPL) du député Gaby Charroux (PCF) pour passer. L'élu des Bouches-du-Rhônes a malgré tout le cœur léger. Cette fois, la bataille semble bien engagée. «C'était mal parti… Malgré les déclarations d'intention de Michel Sapin, j'ai vite compris qu'il allait détricoter tout le travail fait par la commission des affaires sociales. Le débat revenait à trancher sur la constitutionnalité de la limitation des rémunérations du patronat… Mais l'Assemblée n'est pas le Conseil constitutionnel», relate l'élu PCF.
Dans un hémicycle fort clairsemé, ils sont passés au vote. L'article 1 visant à encadrer les salaires d'une entreprise dans un rapport de 1 à 20 avait déjà été écarté en commission. Gaby Charroux avait revu sa copie, et élargi la fourchette. Cela n'a pas suffi. Il manquait trois voix à la première solution de repli, instituant un rapport de 1 à 50. Et toujours une voix à la proposition d'un rapport de 1 à 100, proche de l'Appel des 40 au CAC 40 lancé dans Libé le 19 mai. Néanmoins, les deux autres articles de sa proposition ont été adoptés, «avec le renfort du PS, des Verts et des radicaux». L'article 2 stipule qu'une même personne ne peut exercer plus de deux mandats au sein de conseils d'administration. «Sapin estimait que c'était inutile, puisqu'une disposition de la loi Macron prévoit déjà de les limiter à trois. Mais nous avons tenu bon», se félicite Charroux. Adopté, l'article 3 «annule l'allégement de la fiscalité des actions gratuites de performance», prévu dans la loi Macron (qui a déjà eu pour effet d'encourager les patrons à gonfler cette part de leur rémunération).
Prochaine étape, le Sénat. Sauf que le calendrier est surchargé. Gaby Charroux remettra donc ses propositions sur la table via des amendements à la loi Sapin 2, qui sera débattue le 6 juin à l’Assemblée. Une stratégie qui pourrait s’avérer payante puisque l’amendement du député PS (et rapporteur de la loi Sapin 2) Sébastien Denaja a ouvert la voie. Désormais intégré à la loi, il prévoit que le salaire des dirigeants sera soumis au vote de l’assemblée générale des actionnaires, y compris ses parts variable et fixe, les actions gratuites, les stock-options, etc. Une décision qui s’imposera désormais au conseil d’administration.