Du Macron à toutes les sauces ce week-end. Si vendredi, on a vu le ministre de l’Economie embarquer pour une pêche aux anguilles sous les yeux d’une barque de journalistes suivant la sienne pour immortaliser l’instant, c’est une autre scène, un peu plus tard dans la journée, à Lunel (Hérault), qui fut la plus commentée. A tel point que l’épisode a en partie brouillé la couverture médiatique des opérations de porte-à-porte menées samedi dans plusieurs villes de France par En marche !, le mouvement d’Emmanuel Macron.
«Leçon»
Interpellé en pleine rue par un jeune opposé à la loi travail, le ministre lui a lancé : «Vous n'allez pas me faire peur avec votre tee-shirt», ajoutant (alors que la France compte 600 000 chômeurs de plus depuis le début du quinquennat) que «la meilleure façon de se payer un costard, c'est de travailler». Tollé sur les réseaux sociaux avec le hashtag #unteeshirtpourmacron pour dénoncer une forme de «mépris de classe» dans les propos de l'ex-banquier s'adressant à un jeune affirmant travailler « depuis l'âge de 16 ans». Lequel avait originellement lancé : «On en a marre, j'ai 21 ans, je me retrouve en fin de formation, je n'ai pas de sous pour me payer un costard-cravate comme ça !» s'attirant la réplique qu'on sait. Costard contre tee-shirt. Elite contre prolo. Actif contre chômeur. Une image forte extraite de plusieurs minutes d'un dialogue de sourds, plutôt courtois, durant lequel le ministre échange surtout avec un instituteur fan du très anti-Macron Gérard Filoche et accusant François Hollande de trahir ses électeurs avec sa loi travail en faisant «pire que Sarkozy». «Slogan», lui répond Macron, ajoutant : «Je n'ai pas de leçons à recevoir. Si vous ne voulez pas que la France soit bloquée, arrêtez de la bloquer.» Réponse dans l'attroupement : «Ce qui bloque la France, c'est le 49.3.»
Cri du cœur
Esprit brillant à l'ambition croissante, mais politique amateur, Macron a surtout l'habitude des transgressions idéologiques sur les 35 heures, l'ISF ou le statut des fonctionnaires. Mais en l'espèce, on repense surtout à sa sortie sur les ouvrières «illettrées» de l'abattoir Gad ou à sa saillie sur la France qui a besoin de jeunes rêvant de devenir milliardaires. Chaque fois, des circonstances atténuantes avaient été trouvées à ce ministre si souriant et si vert en politique, d'autant qu'il avait ensuite présenté des excuses ou nuancé ses dires. Cette fois, sa punchline du «costard» sonne comme un cri du cœur de la France d'en haut à celle d'en bas, sur le mode : t'as qu'à bosser ! L'occasion de vérifier que l'élégance ne tient pas à un costume, même vendu au prix d'un Smic.