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Cabanons

Grande-Synthe : l'Etat prend la main sur le camp de migrants

Les ministres de l'Intérieur et du Logement ont signé une convention pour le contrôle de ce camp humanitaire, afin in fine de mieux le fermer.
La ministre du Logement Emmanuelle Cosse et le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve au camp de réfugiés de Grande-Synthe, dans le nord de la France, le 30 mai 2016. (Photo Denis Charlet. AFP)
publié le 30 mai 2016 à 21h23

Que va devenir le camp humanitaire de la Linière Grande-Synthe (Nord), et à quelle échéance ? L'Etat en prend le contrôle pour mieux le fermer, «à terme», après sa «réduction progressive». Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, était sur place lundi après-midi pour signer, aux côtés d'Emmanuelle Cosse, ministre du Logement, une convention avec le maire de Grande-Synthe, Damien Carême (EE-LV), et l'association de lutte contre l'exclusion Afeji, qui lui permet de prendre la main sur le camp de cabanons de bois.

Le site avait été ouvert le 7 mars avec Médecins sans frontières, sur la friche d'une ancienne coopérative de Lin, entre la voie ferrée et l'autoroute A16, pour vider le vieux camp de boue du Basroch, qui durait depuis dix ans, et dans lequel le nombre d'exilés était passé de 80 à 2 800 en quelques mois en 2015. Pour vider ce nouveau camp, qui compte aujourd'hui 757 personnes selon les chiffres officiels, l'Etat suggère aux migrants de renoncer au passage clandestin vers l'Angleterre. La solution qu'on leur offre : rejoindre les 134 centres d'accueil et d'orientation (CAO), la porte vers la demande d'asile en France, ouverts dans tout le pays pour abriter les migrants des «jungles». Déjà «788 personnes» du camp du Basroch, puis de la Linière, les auraient choisis, selon Bernard Cazeneuve. Et 60 à 80 rien que sur les deux dernières semaines.

Le camp désormais «complet»

Dans le même temps, le camp a perdu 250 personnes, on peut donc supposer que 170 personnes sont passées en Angleterre. C'est l'autre moyen de vider la Linière, le plus efficace, pour l'instant. Bernard Cazeneuve lui, veut croire qu'il inversera la tendance, et rendra «étanche» la frontière. «L'an dernier, 251 filières de passeurs ont été démantelées en France, une augmentation de 25% par rapport à 2014. Depuis le début de l'année 2016, 116 filières ont été démantelées, 21 concernent Grande-Synthe», a-t-il indiqué.

Le camp se vide, passé de 1 330 à 757 occupants en deux mois et demi. «Bernard Cazeneuve pensait qu'il ferait "appel d'air", c'est le contraire qui s'est passé», raconte le maire Damien Carême. Que se passera-t-il si de nouveaux migrants arrivent ? Le maire assure que le camp est désormais «complet», mais plaide pour une souplesse. «Si une famille arrive en pleine nuit, on ne la laissera pas dehors. Si 750 personnes arrivent d'un coup, je ne les prendrai pas.» La convention qui vient d'être signée prévoit que «plus aucune entrée» ne peut avoir lieu sans autorisation de l'Etat et de la commune. La ville et l'Afeji sont chargées de «l'enlèvement des tentes et chalets après chaque départ de personne migrante». Une centaine de chalets sont vides, et seront bientôt démontés.

Et la fermeture, c’est pour quand ?

«Déjà, des passeurs ont mis des cadenas aux portes, pour pouvoir les louer», grince le maire. Et la fermeture, c'est pour quand ? «On prendra le temps. Ça peut s'arrêter demain, ça peut durer des années.» Et si, après la fermeture, de nouveaux réfugiés débarquent et créent une «jungle», comme celle qui est née il y a 10 ans au lieu-dit «Le Basroch» à Grande-Synthe et qui s'est terminée en gigantesque mare de boue ? «On se reposera la question».

Les associations la posent déjà. «Pour ceux qui ne veulent pas demander l'asile, quelle solution à part la boue ou la "jungle" de Calais en attendant l'Angleterre ?», s'inquiète Yann Manzi, régisseur du festival des Vieilles Charrues dans le civil, et responsable bénévole de l'association Utopia 56, qui coordonnait jusqu'ici le camp. Il reste à Grande-Synthe avec ses centaines de volontaires et assure qu'il sera «vigilant».

Vigilance aussi pour Franck Esnée, chef de mission France de Médecins sans frontières : «L'intervention de l'Etat est une bonne chose, c'est de sa responsabilité. Le camp, lui, avait besoin d'un gestionnaire. Mais si c'est coercitif, ce sera un échec. On doit être capable d'accueillir les gens, de respecter leur projet et de ne pas les laisser dehors.» Et au besoin, «rouvrir un camp».