Pas question de modifier l’article 2 du projet de loi travail, martèle le gouvernement. Au risque de toucher à la philosophie même du texte. Et pour cause : cet article, qui représente plus de 50 pages du projet de loi, met en œuvre, thème par thème, une petite révolution, en faisant primer l’accord d’entreprise sur l’accord de branche. C’est la fameuse inversion de la hiérarchie des normes, dénoncée par les opposants au texte. A chaque entreprise, demain, de gérer, à son niveau, la question du temps de travail, des repos et des congés, via un accord avec les syndicats majoritaires (ou par référendum des salariés en cas d’une majorité syndicale de 30 % seulement). Et ce même si les mesures couchées dans l’accord d’entreprise sont moins favorables pour les salariés que l’accord de branche. Seule limite : les mesures dites d’«ordre public», listées dans le texte pour chaque thème.
Ce principe pourrait cependant être écorné par l'exécutif, en cas de persistance du mouvement de protestation. Une première brèche a été ouverte, avec l'acceptation par le gouvernement, début mai, d'un amendement qui prévoit un «contrôle» a posteriori des accords d'entreprise par les branches, ces dernières pouvant faire des recommandations aux entreprises en cas de désaccord. Insuffisant, selon les frondeurs. L'exécutif réfléchit donc à instaurer un contrôle non plus a posteriori mais a priori des accords d'entreprise par chaque branche, via une commission. Une mesure qui permettrait de sauver le principe de l'inversion de la hiérarchie des normes, cher à l'exécutif, tout en conservant un garde-fou des branches. Et qui, concrètement, pourrait ne pas changer grand-chose. «Aujourd'hui, le contrôle par les commissions paritaires de branche des accords dérogatoires signés par des élus du personnel [et non par des délégués syndicaux, ndlr] est assez léger…» indique l'entourage de Myriam El Khomri. Autrement dit, la plupart de ces accords d'entreprise sont validés implicitement au bout d'un délai de quatre mois. Bref, le contrôle serait plus théorique que réel.
Un geste qui permettrait aux frondeurs d’afficher une victoire, tandis que le gouvernement s’en tirerait par une défaite essentiellement formelle. Reste cependant un obstacle à ce dernier : convaincre le patron du Medef.