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Billet

Verdun : une polémique à pleurer

Le parti Les Républicains a publié un communiqué pour dénoncer le mauvais goût, selon lui, des célébrations du centenaire de la bataille, ajoutant ainsi sa voix à celle du Front national.
Scénographie de Volker Schlöndorff, au cimetière de l'ossuaire de Douaumont, dimanche. (Photo Marc Chaumeil pour «Libération»)
publié le 30 mai 2016 à 17h14

Jusqu'à la lie. Après la polémique, en amont, autour de la programmation – et in fine la piteuse annulation – d'un concert du rappeur Black M en marge des célébrations du centenaire de la bataille de Verdun, voici maintenant, en aval, les critiques de la droite, via un communiqué du parti Les Républicains. Il mêle sa voix à celle de l'extrême droite pour dénoncer la scénographie de l'hommage en lui-même. Plus précisément, le fait que 3 400 jeunes français et allemands portant des tee-shirts de toutes les couleurs aient couru au milieu des tombes des soldats du cimetière situé à côté de l'ossuaire de Douaumont. Shocking !

Un «jogging» insultant, comme l'a par exemple dénoncé le vice-président du FN, Florian Philippot ? Plutôt un acte de vie, même s'il était difficile de ne pas penser (aussi) au générique de la Petite Maison dans la prairie à la sauce Télétubbies. Une image de nature à marquer les esprits et une place forte donnée à la jeunesse pour incarner, jusqu'à la mimer, celle morte en masse il y a cent ans. Le tout lors d'une cérémonie qui – et c'est bien normal – n'a par ailleurs pas manqué, tout au long de la journée, de moments de recueillement. Mais pourquoi diable l'un serait-il contradictoire ou incompatible avec l'autre ?

S'en tenir à la leçon de savoir-vivre «on ne court pas entre les tombes» est un peu court. Crier à l'indignité nationale, tels nombre de patriotes autoproclamés, c'est faire métier de l'outrance et commerce médiatique de l'excès de langage. Chacun est, bien sûr, libre d'avoir plus ou moins apprécié cette vague juvénile et colorée envoyée au casse-pipe, mais respecter les morts, c'est aussi ne pas polémiquer de manière aussi pavlovienne que tragique. Avec pour boussole la culture du buzz davantage que le respect de la mémoire. Et puisque la droite et l'extrême droite jouent les arbitres des élégances, rappelons cette initiative de Sarkozy en 2008 : «Je veux faire en sorte que, chaque année, […] tous les enfants de CM2 se voient confier la mémoire d'un des 11 000 enfants français victimes de la Shoah.» En matière d'indécence, certains exemples sont plus parlants que d'autres.