Mardi, le Conseil d'Etat a accédé à la demande de Mariana Gonzalez-Gomez-Turri, jeune veuve espagnole qui souhaitait récupérer les gamètes de son défunt mari, conservés en France, pour se faire inséminer en Espagne. Le Conseil a donc choisi de suivre l'avis favorable rendu vendredi par la rapporteure publique, qui avait mis en avant la situation «exceptionnelle» de la requérante.
Celle-ci souhaitait devenir «la maman de l'enfant de l'homme de [sa] vie», malgré le décès de celui-ci l'été dernier. Mariana Gonzalez-Gomez-Turri rencontre Nicola Turri, italien, alors qu'ils travaillent tous deux dans un restaurant londonien. Le couple est installé à Paris depuis 2013 lorsque Nicola déclare un cancer. Face à la menace que la chimio fait peser sur sa fertilité, il décide de faire congeler son sperme dans l'espoir d'avoir un enfant avec sa compagne via l'assistance médicale à la procréation. Mais après une rémission, le jeune homme décède d'une leucémie, le 9 juillet 2015, avant d'avoir pu entamer le processus d'insémination. Après sa mort, Mariana Gonzalez-Gomez-Turri repart s'installer en Espagne, où l'insémination post-mortem est autorisée, et entame les démarches nécessaires au transfert des gamètes de son époux. C'est là que les choses se corsent : face au refus de l'administration française, la jeune femme en appelle au tribunal administratif de Paris, qui la déboute. La France s'oppose en effet à l'insémination post-mortem, en vertu des lois de bioéthique, depuis 1994. D'où ce recours devant le Conseil d'Etat. Comment expliquer cet accord ? «C'est une situation exceptionnelle au sens premier du terme», dit Me David Simhon, l'un des avocats de la jeune femme. Pour lui, «l'absence de véritable lien avec la France» est l'une des motivations du Conseil d'Etat : c'est parce que Nicola Turri est tombé malade sur le sol français que ses gamètes s'y sont trouvés conservés, presque par hasard. Le Conseil d'Etat a en outre reconnu que pour la «situation très particulière de l'intéressée […], l'application de la loi française entraînerait des conséquences manifestement disproportionnées». Ainsi, pour Me David Simhon, qui insiste sur le caractère unique de ce cas, «cette décision ne fera pas jurisprudence quant à l'insémination post-mortem».