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Libération
Éditorial

Loi travail : ni dissolution ni référendum, un compromis !

Manuel Valls, François Hollande et Myriam El Khomri, à l'Elysée, le 25 mai. (Photo Alain Jocard. AFP)
publié le 31 mai 2016 à 20h21

Dissoudre l’Assemblée nationale. Ou, à tout le moins, en appeler au peuple via un référendum. Telles seraient, à en croire certains commentateurs, les seules options dignes pour François Hollande afin de sortir par le haut du bourbier de la loi travail, alors que le 49.3 semble en l’état la seule façon de faire adopter le texte faute de majorité parlementaire. Même à moins d’un an du premier tour de la présidentielle, le chef de l’Etat dispose effectivement sur le papier de ces trois armes constitutionnelles. Mais elles s’apparentent à autant de boomerangs qu’il devrait se garder d’user.

Une dissolution, comme la réclament des personnalités aussi diverses que le député LR Eric Ciotti, le politiste Laurent Bouvet ou le candidat à la présidentielle Jean-Luc Mélenchon ? En l'état des opinions partisanes du pays, une telle initiative présidentielle aurait d'abord pour conséquence de dissoudre les députés PS dans l'acide de son impopularité. Le tout sans qu'on puisse sérieusement imaginer que ceux qui se réclament de la «vraie» gauche remportent symétriquement la mise. On voit bien en revanche ce qu'un Manuel Valls pourrait y trouver, lui qui est en voie d'asphyxie politique du fait de sa fidélité contrainte au chef de l'Etat conjuguée au phénomène (d'opinion) Emmanuel Macron. La droite à Matignon, la «clarification» que le Premier ministre appelle de ses vœux attendrait d'autant moins l'après-2017. Et si, cyniquement, Hollande pensait profiter de cette cohabitation express pour montrer avant 2017 le vrai visage de la droite, la dimension manœuvrière d'une telle hypothèse serait dévastatrice.

Mardi matin, lors de la réunion hebdomadaire des députés PS, Manuel Valls a répété que c'est l'idée même de réforme qui est en jeu avec la loi travail et que «reculer serait une faute politique». A l'inverse, on peut aussi affirmer que se montrer incapable de dégager un consensus serait une faute démocratique. Reste que si l'issue est conditionnée par un compromis à dégager entre Philippe Martinez (CGT), Pierre Gattaz (Medef) et Manuel Valls, lesquels ont tous trois leurs (mauvaises) raisons de verser dans un jusqu'au-boutisme plus ou moins grossier, alors l'affaire finira mal. La plainte en diffamation du premier contre le second, pour l'avoir comparé à un «terroriste», montre l'abaissement du débat, réduit à des slogans provocateurs ou à des postures minoritaires. Une petite fenêtre existe toutefois : elle se joue entre le chef de l'Etat, sa majorité, certes disloquée, et les syndicats disposés à une issue autre que le retrait pur et simple du texte ou de l'ensemble de ses principales dispositions. Il est en tout cas de la responsabilité de celui qui est le président de tous les Français, mais qui, rappelons-le, fut élu par la gauche, d'enjamber le penchant de son Premier ministre pour le coup de menton tendance 49.3 et de tendre la main. Son interview dans Sud Ouest ce mardi n'est toutefois pas allée dans ce sens.

Quant à une consultation du peuple, l’option semble encore plus hypothétique. Alors que seuls 13 % des Français se disent favorables à la loi travail (Ifop), on se demande ce qu’un piteux référendum, perdu d’avance face à une alliance des oppositions de gauche et de droite, pourrait apporter de vertueux. La présidentielle qui se tiendra dans quelques mois seulement sera l’occasion pour chacun de solder le quinquennat. A François Hollande (qui d’autre ?) de faire en sorte que pour la gauche, la loi travail soit en 2017 un mauvais souvenir et non pas un traumatisme indépassable contribuant à une déflagration dans les urnes. Il en serait légitimement tenu responsable et il en serait par ailleurs la principale victime politique.