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Intercommunalité

Les mairies font cause commune

Contraints par la loi à se regrouper d’ici à 2017, de nombreux élus municipaux ont déjà opté pour l’union, avec moins de résistance qu’attendu.
Au 99e Congrès des maires de France, porte de Versailles, à Paris, mercredi. (Photo Iorgis Matyassi)
publié le 1er juin 2016 à 20h21

Au Congrès des maires de France, la commune a toujours été objet de culte. Cette «petite république dans la grande», comme le dit le président du Sénat, Gérard Larcher, au public du grand auditorium porte de Versailles, à Paris, semble éternelle. Le politologue Pascal Perrineau, qui présente une étude du Cevipof sur le sujet, en rajoute : «La commune fait patrie.» Mais voilà, le temps des petites patries semble bien fini. Depuis la loi Notre (nouvelle organisation des territoires), les communes n'ont plus le droit de rester dans leur splendide isolement. Au 1er janvier 2017, elles sont tenues de se regrouper dans des intercommunalités d'au moins 15 000 habitants.

Lors du débat au Parlement, ce chiffre avait fait hurler : il semblait inatteignable dans les zones rurales. Mais le mouvement a dépassé toutes les prévisions : pas moins de 164 regroupements de plus de 50 communes, voire plus de 100. A l’Assemblée des communautés de France, on les appelle «les communautés XXL». Autre déferlante imprévue, celle des communes nouvelles, fusion pure et simple de plusieurs d’entre elles. Instaurées en 2010, elles sont 317 à ce jour.

«Certaines réformes chahutent plus les élus que les habitants», philosophe Françoise Gatel, maire de Châteaugiron (Ille-et-Vilaine) et rapporteure de la commission intercommunalité de l'Association des maires de France (AMF). «Nous avons anticipé la loi», témoigne Benoît Arrivé, maire de la commune nouvelle Cherbourg-en-Cotentin (Manche), née «après des heures et des heures de discussion» de la fusion de cinq villes membres de la communauté urbaine de Cherbourg. Cette structure «était déjà dans le cœur des habitants, car c'est leur bassin de vie», assure le maire. Autour de Cherbourg, onze intercommunalités se sont regroupées en une seule. Autre pionnier : Didier Huchon, maire de Sèvremoine (Maine-et-Loire). Dans son pays de Mauges, six communes nouvelles se sont formées, «à l'unanimité des conseils municipaux».

«Mesures ruralicides»

Dans le monde rural, la commune nouvelle se révèle une heureuse surprise : elle présente les avantages du regroupement, avec la mutualisation des services, et elle met l'ensemble à l'abri de toute baisse de dotations de l'Etat pour les trois prochaines années. André Laignel, vice-président PS de l'AMF et fervent défenseur de la commune, enjoint les élus à se méfier «de cette petite carotte parce que la carotte sera brève et la vie sera longue». Mais pour Vincent Aubelle, professeur à l'université Paris-Est - Marne-la-Vallée, la commune nouvelle est la réforme la plus intéressante. Elle «oblige à sortir de l'intercommunalité palliative telle qu'on la pratique depuis vingt ans» et dont «le bilan sur les coûts reste à faire». Les communes nouvelles se structurant à partir de chartes ouvertes, elles peuvent se montrer plus inventives.

Au fil des témoignages, il apparaît que les regroupements sont désormais admis par les élus. Certes, il reste des résistances. Philippe Dubourg, maire de Carcarès-Sainte-Croix, une commune rurale des Landes, dénonce ainsi, «au risque d'être un peu archaïque, une fuite en avant qui nous dépasse». Il parle de «mesures ruralicides» qui «signent la mort de nos communes». De fait, le forcing de certains préfets pour réaliser les plus grandes intercommunalités possibles donne à certaines petites communes le sentiment de servir de bouche-trou. Même si l'idée des mariages progresse, la question de la représentation des villages au sein de l'exécutif des grandes agglomérations inquiète. Comme le rappelle le sénateur PS Alain Richard, «les intercommunalités sont aussi le lieu d'un rapport de forces». Gilles Grimaud, maire de Segré (Maine-et-Loire), s'inquiète de la diminution du nombre d'élus : «Avec la commune nouvelle on passera de 225 élus à 35. Ne pourrait-on pas le faire par étapes ?» La loi prévoit qu'au 1er janvier 2017, la nouvelle carte administrative sera bouclée. Pour toujours ? Evoquant les quatre textes législatifs intervenus depuis six ans, Larcher écarte toute perspective d'une nouvelle réforme : «Il me paraît essentiel que nous n'allions pas vers un nouveau chamboule-tout à chaque alternance. L'idée de revenir en arrière peut paraître sympathique, mais ça ne fait pas avancer.» Exactement ce que François Baroin, président de l'AMF, a déclaré samedi dans un entretien au Monde.

Numéro de charme

Tel n'est pas l'avis de son nouveau mentor Nicolas Sarkozy, qui recevait mercredi quelques centaines de maires de droite au siège de son parti LR. Toujours à la peine dans les sondages, malgré un frémissement, l'ex-chef de l'Etat a offert aux élus un grand numéro de charme. «Il n'est pas question de toucher au réseau des 36 000 communes de France», a-t-il promis, sous les applaudissements. Au nom de l'efficacité et de la rationalité, le même Sarkozy était pourtant de ceux qui voulaient en finir avec cette «anomalie française». Protecteur des maires ruraux, il a dit son attachement aux cantons : «Je crois de toutes mes forces à leur utilité», a-t-il proclamé. «A l'écoute du terrain», il a garanti aux maires une grande liberté, tant dans l'organisation des rythmes scolaires que dans la décision de s'engager, ou pas, dans des regroupements de communes. Parole de candidat.