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SNCF : l'accord entre les mains de la CGT

Après 19 heures de discussions, un texte redéfinissant l'organisation du temps de travail au sein de la compagnie ferroviaire a été négocié. La CFDT et l'UNSA ont l'intention de le valider, Sud Rail rejette l'accord et la CGT s'interroge encore.
Quais déserts le 1er juin 2016, jour de grève à la SNCF, gare de Lyon à Paris (Photo KENZO TRIBOUILLARD. AFP)
publié le 7 juin 2016 à 14h23

Un marathon de plusieurs mois, un dernier sprint de 19 heures… Et un accord d'entreprise à l'arrivée. Le texte, qui avoisine la centaine de pages et réorganise le temps de travail à la SNCF, a émergé après une journée et une nuit de négociations. Direction et syndicats se sont réunis lundi matin à 9h30 et ont discuté le texte ligne après ligne jusqu'à 4h30 mardi. Cet ultime échange clôt un ensemble de discussions menées depuis l'an dernier et qui dépasse le simple cadre de la SNCF. Il s'agissait alors tout simplement de redéfinir les règles de l'ensemble du secteur ferroviaire français dont le paysage sera bouleversé à partir de 2020.

Des rails et des glissières

Dans trois ans, conformément aux règles européennes, les lignes à grandes vitesses hexagonales seront ouvertes à la concurrence. Puis ce sera au tour des TER et des Intercités à partir de 2023, finalisant la libéralisation du secteur puisque le fret et les liaisons internationales sont déjà soumis à concurrence. Restait à définir des règles communes à tous les opérateurs - la SNCF ainsi que les entreprises privées qui feront rouler leurs trains de voyageurs. Ces règles communes n’existaient pas : un décret définissait jusqu’à présent la réglementation pour le fret. Et un accord d’entreprise, le RH0077, régissait le temps de travail à la SNCF. Tout a été remis à plat. Un décret-socle, rédigé sous l’autorité du gouvernement et en attente de validation au Conseil d’Etat, fixe les règles de base. Une convention de branche précise ces règles et y apporte des améliorations sociales - en ajoutant deux jours de repos pour le personnel roulant, par exemple. Le texte de cette convention, négociée entre l’UTP - le Medef du rail - et les organisations syndicales est ouvert à la signature jusqu’à mercredi. La CFDT, quatrième syndicat à la SNCF, a déjà indiqué qu’elle y apposerait sa signature. La CGT et Sud Rail réclamaient encore des modifications en début de semaine. Enfin, troisième étage de la réglementation du secteur : les accords d’entreprise. Concernant la SNCF, c’est ce texte qui a été finalisé la nuit dernière. Il est ouvert à la signature jusqu’au 14 juin. La CFDT a déjà annoncé qu’elle le signerait. L’UNSA, deuxième syndicat, n’a pas caché sa satisfaction mardi matin.

Des rails et des freins

Cet accord d'entreprise a été rédigé dans la douleur sous le regard anxieux du ministère des Transport. Deux organisations syndicales (UNSA et CFDT) avaient posé, chacune de leur côté, un préavis de grève illimité à partir du 31 mai. Rejoignant la CGT et Sud Rail qui avaient déjà appelé à des arrêts de travail depuis plusieurs jours. Une perspective de blocage à deux semaines du début de l'Euro de foot qui avait de quoi donner des suées au gouvernement. Or, les dernières négociations devaient justement se tenir fin mai. Mais le vendredi 27, après une journée de négociation, rien ne sort. Faute de texte, Alain Vidalies décide de réunir les principales parties prenantes le lendemain. Après des discussions «très intenses» selon la CFDT, un «relevé de décisions» qui porte uniquement sur les points de désaccord est enfin rédigé, qui ne va pas dans le sens de ce que souhaitait la direction, à qui on a «forcé la main», selon Didier Aubert, secrétaire général de la CFDT Cheminots. Le cas du 19/6 est tranché ce jour-là. Cette règle propre à la SNCF définit qu'un cheminot doit finir sa journée avant 19 heures à la veille d'un repos, et ne doit pas commencer sa semaine avant 6 heures du matin au lendemain d'un repos. Un totem auquel s'accrochent les syndicats et que voulait ébranler la direction en y apportant quelques exceptions. Le gouvernement appuiera la position des syndicats, estimant qu'il y avait d'autres pistes pour gagner en souplesse et en compétitivité. En revanche, des dérogations au régime de travail pourront être proposées au niveau local ou sectoriel à la condition qu'elle soient à chaque fois validées, à la majorité, par les signataires de l'accord d'entreprise. Lundi 30 mai, des rumeurs évoquent une possible démission de Guillaume Pepy, président de la SNCF, vite dissipées par le service communication du groupe. Mais qui a révélé l'état de tension atteint ce jour-là et le week-end précédent. Ce mardi, tout est oublié. Pour Pepy, satisfait, l'accord est un «excellent point d'équilibre». «On a garanti le statut de roulant pour les contrôleurs de la SNCF, on a mieux défini ce qu'est le travail de nuit à la SNCF, on a encadré les temps de trajet, bref on a été au point ultime des avancées possibles, et on ne pourrait pas aller plus loin», a-t-il résumé sur Europe 1.

Des rails et du flou au terminus

Reste à savoir si le texte sera adoubé par les organisations syndicales. Pour le gouvernement, également satisfait de l'accord trouvé, les discussions s'arrêtent là. Mais pour être valable, l'accord doit recueillir la signature de syndicats représentant au moins 30% des voix aux dernières élections. Ce qui sera le cas avec l'Unsa et la CFDT. Mais il peut être bloqué si une majorité s'y oppose. Or, la CGT et Sud Rail représentent un peu plus de 50% des voix. Elles peuvent faire capoter l'accord. Mardi matin, la CGT et Sud-Rail se donnaient encore le temps de la réflexion. Réflexion rendue difficile par leurs doubles revendications : la défense des acquis sociaux au sein de la SNCF et l'annulation du projet de loi El-Khomri. A la CGT, la décision est davantage entre les mains de Philippe Martinez, secrétaire général de la confédération, que dans celles des responsables de la CGT-Cheminots. Vers midi, mardi, Sud-Rail a annoncé qu'il rejetait l'accord, qui ne comporte que «quelques mesurettes» et qui va «sur certains points dégrader le quotidien des cheminots(e)s». Le texte «ne reprend pas les revendications des cheminots en grève», «montrons aux patrons que nous restons mobilisés», écrit le syndicat dans un communiqué.

Des rails et pas tous les trains

Et la grève ? Elle est au moins reconduite pour ce mardi avec en moyenne, selon les prévisions de la SNCF, quatre intercités sur dix, un Transilien et RER sur deux, deux TGV sur trois et six TER sur dix. Les appels se multiplient pour l'arrêt du mouvement. «Il n'y a plus aucune raison de faire grève pour aucun cheminot sur des motifs qui sont limités à la SNCF», a déclaré Guillaume Pepy ce mardi matin. «Il y a un moment où, selon une formule célèbre, il faut savoir arrêter une grève», a lancé François Hollande, dans une interview accordée à La Voix du Nord, mardi. Valls a renchéri, évoquant de nouveau «une grève incompréhensible», comme il l'avait quelques jours plus tôt : «Incompréhensible parce qu'elle n'a rien à voir avec la loi travail. Incompréhensible parce qu'aujourd'hui, toutes les raisons existent pour considérer qu'on a trouvé un bon accord pour l'avenir de la SNCF et qui protège les cheminots. Et incompréhensible là notamment où il y a des perturbations liées aux inondations, et cette grève en rajoute par rapport à la galère, aux difficultés que vivent déjà les usagers.» Une grève qui, selon les estimations de la direction, coûte «plus de 20 millions d'euros par jour». Sud-Rail a déjà décidé d'appeler à poursuivre le mouvement.