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Asile, la France s’améliore

80 075 demandes d’asile ont été enregistrées en France en 2015. Un chiffre en hausse de plus de 23% par rapport à l’année précédente et une tendance qui se confirme depuis début 2016, selon l’Ofpra.
Les premières demandes d'asile en France et les 10 principaux pays de provenance (BIG)
publié le 8 juin 2016 à 20h21

C'est un rapport d'activité 2015 «exceptionnel» qu'a présenté mercredi Pascal Brice, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), mais qui n'a «pas l'ampleur» de celui de son homologue allemand. La France a reçu l'an passé 80 075 demandes d'asile (mineurs inclus), un chiffre en hausse de 24 % par rapport à 2014, mais qu'il convient de relativiser quand on sait que plus d'un million de migrants sont arrivés en Europe au cours de la même période, notamment outre-Rhin. Le rapport de l'Ofpra, d'ailleurs accentué par les premières tendances de 2016, témoigne en tout cas d'une évolution notable de la demande d'asile, tant en valeur absolue que dans sa nature. Les personnes originaires de zones de conflits (notamment Syrie, Irak, Soudan et Afghanistan) sont de plus en plus nombreuses à solliciter la protection de la France, puis à se voir accorder le statut de réfugié.

Pour Pascal Brice, le système français est en situation de «forte tension», mais «pas en crise». Il théorise sa mission ainsi : «Rigueur et bienveillance». Une formule qui n'est pas sans rappeler celle du ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, «humanité et fermeté». Pour faire face, l'Ofpra bénéficie de moyens accrus, mais qui ne suffisent pas, puisque d'autres maillons (hébergement, accueil en préfecture…) de la chaîne, demeurent embolisés. «Il reste du boulot», reconnaît le directeur général de l'office, qui pousse pour «redimensionner régulièrement le système de l'asile». Et ce «à tous les niveaux».

Des délais raccourcis mais…

Dix-neuf mois : c’était le délai moyen, il y a un an, pour qu’un migrant obtienne une réponse définitive à sa demande d’asile. Aujourd’hui, il en faut quinze. Dans cette procédure il y a plusieurs intervenants : l’Ofpra, qui utilise quatre mois pour effectuer son travail, mais aussi les préfectures en amont pour les démarches d’enregistrement ainsi que la Cour nationale du droit d’asile pour les recours éventuels. L’enjeu de la diminution de l’attente est de taille, tant pour les demandeurs que pour les finances publiques : il a été établi que la réduction d’un mois des délais permet de réaliser 15 millions d’euros d’économies.

La demande en hausse

Après avoir connu un de ses plus bas niveaux historiques en 2007, puis une remontée modeste, la demande d’asile en France a connu une forte hausse en 2015 (+ 23,6 %). Une tendance qui s’est confirmée ces derniers mois, puisque de janvier à mai, l’Ofpra constate une augmentation des demandes de 18 % par rapport à la même période de l’an passé. L’action des pouvoirs publics à Calais, Grande-Synthe ainsi que dans les campements parisiens a eu une influence notable, puisque le Soudan (5 091 personnes) et la Syrie (3 403) représentent désormais les deux premiers pays d’origine des demandeurs d’asile, supplantant la République démocratique du Congo et la Chine.

Une protection améliorée

C’est le principal objectif des travailleurs sociaux quand ils se rendent dans les bidonvilles du nord de la France ou de la région parisienne : convaincre les migrants qu’ils peuvent demander l’asile en France (au lieu de vouloir passer en Angleterre ou en Allemagne) et qu’ils ont de bonnes chances d’accéder au statut protecteur de réfugié. Le travail semble peu à peu porter ses fruits. En 2015, 97,9 % des Irakiens ayant engagé une procédure ont eu gain de cause, 96,9 % des Syriens. Les Afghans - de plus en plus nombreux à arriver en France - sont protégés à 80,3 %. La situation s’est aussi améliorée pour les Erythréens : protégés à hauteur de 14,8 % en 2014, ils l’étaient à 46,4 % en 2015.

Des moyens inédits

Depuis son arrivée à la tête de l'Ofpra, Pascal Brice a vu ses effectifs grimper de manière substantielle dans un contexte budgétaire pourtant tendu. De 475 employés en 2012, l'office est passé à 575 en 2015. Le ministère de l'Intérieur devrait annoncer au cours des prochaines semaines la création d'une centaine de postes supplémentaires. «Nous en avons besoin», pointe Pascal Brice, qui glisse que Beauvau «a toujours fait ce qu'il fallait» sur ce dossier. La part des titulaires a également augmenté. Une «déprécarisation» qui permet de réduire le turnover des effectifs, un phénomène très handicapant dans un contexte de hausse de la demande d'asile.

Le terrorisme, une nouvelle donne

Cet aspect de la loi asile de l'été 2015 était passé inaperçu à l'époque, mais il a pris une acuité particulière quelques mois plus tard, avec les attentats de novembre. Le texte mentionne en effet que le statut de réfugié peut être enlevé à une personne pouvant représenter une «menace grave pour la sûreté de l'Etat». Le risque d'infiltration de terroristes par le biais de la procédure d'asile est dans les esprits. En 2015, deux personnes se sont vues retirer la protection de la France. D'autres réfugiés sujets à suspicion ont été signalés par le ministère de l'Intérieur. «On examine au cas par cas», affirme Pascal Brice.