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Libération
reportage

A Marseille, l’estime de soi au programme

Au cours Frédéric-Ozanam, lié à la Fondation pour l’école, proche de la Manif pour tous, les professeurs tentent de valoriser des élèves souvent issus des quartiers Nord.

Dans une classe de CP, au cours Frédéric-Ozanam, dans les quartiers Nord de Marseille, jeudi. (Photo Yohanne Lamoulère. Transit. Picturetank)
ParStéphanie Harounyan
correspondante à Marseille
Publié le 09/06/2016 à 20h21

Cheik, 7 ans, attrape le ballon de basket. Ce mercredi, il n'y a pas d'élève dans la cour de l'école, mais qu'importe, Christophe Certain, le directeur, joue les partenaires pour quelques paniers. Aujourd'hui, le garçon et sa mère font leur première visite au cours Frédéric-Ozanam, dans les quartiers Nord de Marseille, en vue d'une inscription en septembre. Cheik, scolarisé dans le public, finit son CE1 avec difficulté. «Il a une AVS [assistante de vie scolaire, ndlr], mais seulement deux ou trois jours par semaine, ce n'est pas suffisant», pointe sa mère. C'est la maison Bernadette, une fraternité implantée dans la cité des Lauriers qui assure du soutien scolaire, qui leur a soufflé l'idée d'Ozanam.

«Petits effectifs»

L'école, fondée en 2014 à l'initiative de la fraternité, est une structure hors contrat, mais cela ne dérange pas Amziza. «Je ne vois pas la différence, explique-t-elle. L'essentiel, c'est que mon fils soit bien encadré.» A la rentrée, ils seront une quarantaine, du CP au CM2, à faire leur rentrée dans l'école, le double de l'an dernier. La grande majorité est issue des quartiers prioritaires mais plus seulement, précise le directeur de l'établissement. «Nous accueillons des enfants qui ont des besoins particuliers : de sécurité, de petits effectifs, de combler de gros retards, de sortir de leur quartier… Pour eux, le système n'a rien prévu. Le but au départ n'était pas de faire une école hors contrat, juste une école qui marche.»

Pour trouver ce qui marche, Christophe Certain, auparavant chef d'entreprise à Paris, a d'abord fait le tour de France des initiatives. L'équipe pédagogique a aussi rapidement rallié le réseau d'écoles de la Fondation Espérance Banlieues. Cette structure, créée en 2012 pour favoriser «le développement d'écoles indépendantes de qualité, en plein cœur des cités sensibles», est abritée par une autre entité, la Fondation pour l'école, dont la cofondatrice est Anne Coffinier, figure de la Manif pour tous… «Nous nous sommes rapprochés d'eux pour des questions techniques et parce que nous partageons aussi certaines idées, mais je suis totalement libre», se défend Christophe Certain, qui précise que l'organisme n'entre que pour 10% dans son budget. Le reste provient d'autres institutions, comme Raoul-Follereau ou la Fondation CMA-CGM, et de la contribution des parents - de 50 à 150 euros par mois en fonction des revenus de la famille.

Uniforme

Pour construire son projet pédagogique, le directeur s'est inspiré de la Living School parisienne, structure hors contrat, qui axe sa pédagogie autour de la valorisation de l'enfant. Ainsi, à Ozanam, outre le panneau des réussites et les temps d'encouragement collectif, les profs vouvoient les enfants, «pour leur montrer qu'ils sont importants». Autres spécificités : le rituel de l'éveil du matin, le port de l'uniforme (un sweat à capuche), la gamelle du midi qu'ils amènent de chez eux et une relation étroite entre parents et profs. Le tout adossé à des enseignements classiques, basés sur le socle commun de connaissances.

«On est hors contrat, mais on n'est pas hors système», martèle le directeur, qui regrette que le rôle de l'Etat se cantonne au contrôle. «On est très surveillés, nous sommes contrôlés tous les deux ans. D'accord pour mettre des garde-fous, mais que l'on contrôle aussi les résultats et l'efficacité de nos méthodes d'enseignement», ajoute-t-il. La solution, pour lui, serait de créer une sorte de troisième catégorie, à côté de l'école publique et du privé sous contrat, permettant une participation financière de l'Etat. «Les petites structures comme la nôtre peuvent avoir un rôle de laboratoire, défend Christophe Certain. Je pense que l'on remplit une mission de service public. A partir du moment où on a un impact social favorable, il serait normal de pouvoir en bénéficier.»