Les pilotes d’Air France fêtent à leur manière le début de l’Euro avec une grève. Leur arrêt de travail débute partir de ce samedi matin, au moins jusqu’à mardi soir. Selon Air France, 27% des pilotes étaient en grève et 80% des vols seraient assurés.
Après trois jours de négociations intenses mais infructueuses entre la direction et les syndicats représentants de pilotes (SNPL majoritaire, Spaf et Alter), ces derniers ont rejeté à l’unanimité le nouveau protocole de fin de conflit amendé et transmis dans la nuit de mercredi à jeudi par la compagnie. Dès lors, la grève devenait inévitable avec la mise en application du préavis de grève déposé du 11 au 14 juin par les trois syndicats. Décryptage d’un mouvement qui après s’être déclenché sur la question des rémunérations se concentre maintenant sur la répartition des fruits de la croissance avec KLM, l’autre branche du groupe aérien franco-néerlandais.
Quelles sont les raisons de la grève ?
C'est la décision de la direction de mettre en œuvre au 1er juin certaines mesures de productivité signées par les représentants des pilotes dans le cadre du précédent plan d'économies «Transform 2015» qui a ramené les pilotes sur le sentier de la grève. Ces derniers ont en effet vu leur rémunération légèrement baisser depuis cette date (25 millions d'économies à venir sur 2016) et c'est la raison pour laquelle le SNPL les avait consultés jusqu'en mai sur le principe de faire grève. A l'issue d'un référendum fortement suivi (78% de participation) et étalé sur plusieurs semaines, près de sept votants sur 10 (68%) avaient donné leur feu vert au «recours, si nécessaire, à un ou plusieurs arrêts de travail d'une durée cumulée supérieure à 144 heures». Un mandat donné par les pilotes aux syndicats pour déposer un préavis, ce qui fut le cas quelques jours plus tard. Pourtant ce dernier ne porte plus spécifiquement sur la rémunération des pilotes mais sur six revendications d'ordre plus général qui ont plus trait au «maintien de l'activité pilote» comme ils disent qu'aux salaires proprement dit. Et le fait que cette grève intervienne au début de l'Euro n'est qu'une «concomitance de calendrier ».
Que répond la direction de la compagnie ?
Quel sera l’impact de la grève ?
La direction d'Air France «prévoit d'assurer plus de 80% de ses vols» samedi, au premier jour d'une grève qui mobilisera 25% des pilotes, pour défendre l'emploi et les conditions de rémunérations, a indiqué la compagnie vendredi. Dans le détail, Air France annonce le maintien de «plus de 90%» des vols long-courriers, «90%» des vols intérieurs et «autour de 75%» des vols moyen-courriers de et vers Paris Charles-de-Gaulle, sans exclure «des annulations et des retards de dernière minute». Pour la direction, qui estime qu'il s'agit d'un très mauvais coup porté à la compagnie (la grève peut lui faire perdre jusqu'à 6 à 7 millions d'euros par jour, selon ses calculs) mais aussi à l'image de la France au moment où démarre l'Euro, ce taux de grévistes est faible et traduit le désaccord d'un certain nombre de pilotes, pourtant syndiqués à plus de 70%, avec les mots d'ordre de leurs présentants. Très majoritaire chez les pilotes (65%), le SNPL explique pour sa part que l'objectif n'est «surtout» pas de prendre en otage les clients mais de faire pression sur la direction en laquelle elle n'a «aucune confiance» et qui refuse de s'engager par écrit sur des revendications qu'elle estimait pourtant «légitimes et recevables » dans les discussions. «Nous sommes parfaitement conscients de l'impact très négatif qu'a eu la grève de 2014 [la plus longue de l'histoire de la compagnie, ndlr], explique la pilote Véronique Damon, secrétaire générale du SNPL. C'est pourquoi nous avons changé de méthode et notre but n'est pas de faire annuler les vols mais de permettre aux pilotes d'exprimer leur désaccord.»
Le mouvement prendra la forme d'une grève par plage horaire. «Concrètement, un pilote dont le vol est prévu à 7h30 sera en grève sur la plage horaire du matin allant de 5h30 à 8h30 et ne commencera son travail qu'à 8h30, détaille Véronique Damon. Le vol ne sera donc pas annulé mais simplement retardé.» Irritée par ces subtilités dans le modus operandi du mouvement, la direction qui dit «avoir cherché jusqu'au bout à éviter cette grève par tous les moyens», note pour sa part que «l'objectif de blocage des pilotes est atteint. On ne va quand même pas remercier le SNPL pour ses recommandations aux grévistes, s'est insurgé le PDG d'Air France Frédéric Gagey. De toute manière, chaque pilote déclaré gréviste est libre de faire comme il l'entend.» La direction pointe également le fait que les plages horaires retenues sont celles qui ont le plus d'impact sur le trafic. La compagnie qui assure qu'elle veillera à ce que les vols acheminant des passagers pour l'Euro soient maintenus devrait annoncer dans l'après-midi «les premières annulations de vols» notamment à travers l'envoi de «SMS aux passagers».
Que va-t-il se passer ensuite ?
Quelle que soit la tournure que les pilotes donneront à leur mouvement qu'ils affirment «très soutenu» par les autres catégories de personnel, la direction d'Air France n'en a pas fini avec les perturbations sociales au sein de la compagnie. Les hôtesses et stewards qui sont en négociation avec la direction pour renouveler leur accord collectif, qui expire en octobre, menacent, eux aussi, de se mettre en grève à partir de la fin juillet, en pleine période des vacances. Autant dire que l'entrée en fonction du nouveau PDG du groupe Jean-Marc Janaillac au début de l'été s'annonce musclée. C'est en définitive à ce dernier qu'il reviendra de trancher sur les moyens mis au service du développement d'Air France et les efforts futurs de productivité que devront assurer les pilotes dans le cadre du plan Perform 2020 toujours en jachère.