Il aura fallu plus d’un an et demi pour que les prélèvements recueillis lors de l’exhumation des crânes des moines de Tibéhirine, à l’automne 2014, parviennent à la justice française. La juge d’instruction Nathalie Poux a finalement pu rapporter d’Algérie, cette semaine, ces prélèvements susceptibles de faire avancer l’enquête sur l’enlèvement et l’assassinat des sept religieux en 1996 dans leur monastère de Notre-Dame de l’Atlas, sur les hauteurs de Médéa. Seules les têtes avaient été retrouvées sur une route. L’information a été confirmée vendredi à l’AFP par une source judiciaire et l’avocat de familles. De leur côté, les juges français ont remis à leurs homologues algériens les prélèvements génétiques des familles des moines, pour les besoins de l’enquête menée en Algérie.
Pour les juges français, la date du décès des moines ne colle pas avec la théorie officielle d'Alger. L'étude des photos de la décomposition des têtes accréditerait la thèse d'un décès entre le 25 et le 27 avril 1996… soit près d'un mois avant la date officielle fixée au 21 mai, date du communiqué du GIA qui annonçait l'exécution des moines cisterciens. De quoi mettre du plomb dans l'aile de la version des faits des autorités algériennes : les seuls coupables sont le GIA, dont le chef, Djamel Zitouni, aurait voulu, en pleine guerre civile, renforcer son autorité sur la région. Une vision jugée «pour le moins simpliste» par les familles «C'est une avancée importante, que nous attendons depuis un an et demi et qui lève l'un des obstacles à la recherche de la vérité et de la justice», a déclaré Patrick Baudouin, l'avocat des familles, vendredi. «Il faut rester prudent, mais les experts pensent que la conservation des prélèvements a été correcte et que les échantillons sont exploitables.»