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Libération
Appel des 40 au CAC 40

Salaire des patrons : un premier pas très timide

L'appel des 40 au CAC 40dossier
Si la loi Sapin va bien rendre les assemblées d'actionnaires souveraines en matière de rémunération, le gouvernement a refusé tous les amendements proposant un vrai encadrement. Laissant la gauche sur sa faim.
Michel Sapin, le ministre des Finances, à l'Assemblée nationale le 1 juin. (Photo Alain Jocard. AFP)
publié le 10 juin 2016 à 11h22

Pas d’encadrement des rémunérations des patrons mais un rappel à la règle du capitalisme. Un mois et demi après la polémique autour des émoluments du PDG de Renault, Carlos Ghosn, les députés ont profité de l’examen projet de loi Sapin 2 pour taper du poing sur la table. Fin avril, le conseil d’administration du groupe automobile avait ainsi passé outre le refus de son assemblée générale des actionnaires de valider la rémunération de Ghosn (7,2 millions d’euros).

Prenant acte des failles du code de bonne conduite patronal Afep-Medef comme de l'insatiabilité de certains PDG en matière de gros sous, l'Assemblée nationale a décidé d'aligner la législation française sur celle du Royaume-Uni, de l'Allemagne, de la Suisse et des Pays-Bas : le vote des assemblées d'actionnaires s'imposera désormais au conseil d'administration pour tout ce qui touche aux «éléments de rémunération d'activité» et «avantages de toute nature liés à l'activité» des présidents, directeurs généraux ou directeurs généraux délégués.

Las !

Par un amendement adopté dans l'hémicycle, les députés ont ajouté la mise en œuvre d'une procédure de vérification «ex post», c'est-à-dire a posteriori, «des montants à verser au titre des éléments de rémunération variables, exceptionnels, ou reflétant la performance». Si le ministre des Finances, Michel Sapin a salué «un pas considérable», les élus de gauche restent néanmoins sur leur faim.

Récemment, des personnalités de gauche, dont le Premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, mais aussi des intellectuels et des syndicalistes, avait lancé dans Libération un «appel des 40 au CAC 40», afin qu'«un patron ne puisse pas être rémunéré plus de 100 SMIC». Selon le frondeur socialiste Pascal Cherki, en 2014, la rémunération des PDG du CAC 40 a augmenté de 6 %, là où le SMIC, qui a été revu à la hausse de 68 euros en quatre ans, a augmenté de 1,1 %.

Pour la majorité, l’occasion était belle d’encadrer plus étroitement des rémunérations patronales qui défraient régulièrement la chronique en dépit de la morosité de la conjoncture. Las ! Tous les amendements qui avaient été déposés pour contraindre les patrons à plus de tempérance ont été repoussés. Y compris celui de la députée socialiste Karine Berger, pourtant cosigné par 74 députés PS, visant à plafonner la part variable des rémunérations patronales au niveau de leur part fixe.

Dans les rangs de la majorité, la déception était palpable. Pour Pascal Cherki, le vote contraignant des actionnaires n'est qu'«un affichage qui dans la réalité n'aura pas d'effet». Quant à Karine Berger, elle a accusé Michel Sapin d'avoir clairement montré dans l'hémicycle son «désaccord sur le fond sur la limitation du salaire du patronat et du CAC 40». Préoccupé de ramener la sérénité dans les rangs, le ministre n'a néanmoins pas écarté de revenir dans la prochaine loi de finances sur la fiscalité actions gratuites, instruments de rémunération très appréciées des grands patrons, dont la fiscalité avait été fortement allégée il y a un an dans le cadre de la loi Macron. "Vous pouvez compter sur moi" a promis le ministre. Sur ce sujet, la «réconciliation de la gauche» reste à venir.