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Libération

Le tract du PS ramené à la réalité du bilan de Hollande

Publié le 12/06/2016 à 17h51

C’est aussi à ça qu’on sent le petit parfum de campagne qui s’installe doucement. Les tracts fleurissent, avec leurs lots d’intox et d’exagérations. Les socialistes ont dégainé trois pages de retape du bilan de François Hollande, assorties de piques bien senties sur le quinquennat Sarkozy. Des petites corrections étaient nécessaires.

Non, le pouvoir d’achat des Français n’a pas augmenté de 0,7 % en 2014 et de 1,7 % en 2015.

S’il y a une chose qui ne change pas avec les alternances, c’est la promptitude des responsables politiques à se saisir des chiffres les plus avantageux en matière de pouvoir d’achat. Oui, après trois années de recul, le pouvoir d’achat des Français est reparti à la hausse depuis 2014. Mais pas autant que le dit le PS. L’évolution de 0,7 % en 2014 et de 1,7 % en 2015 est celle du pouvoir d’achat du revenu disponible brut. Ce RDB est l’ensemble des revenus et des prestations sociales, moins les impôts directs. Le problème est que, si elle a une valeur macroéconomique, cette statistique ne traduit pas la progression moyenne du pouvoir d’achat des Français, pour la raison simple qu’elle ne tient pas compte de l’évolution démographique. Cela revient à se féliciter de voir grossir un gâteau en omettant de préciser qu’il y a aussi de plus en plus de gens à se le partager. Si on veut parler de pouvoir d’achat individuel, l’Insee préconise alors de regarder le pouvoir d’achat par ménage ou unité de consommation qui, eux, tiennent compte des évolutions démographiques. On obtient alors une hausse du pouvoir d’achat moyenne, qui est moins favorable : le pouvoir d’achat par ménage a perdu 0,1 % en 2014 et progressé de 0,9 % en 2015. Le pouvoir d’achat par unité de consommation ayant, lui, progressé de 0,1 % en 2014 puis de 1,1 % en 2015. Notons que cette petite filouterie statistique était déjà une habitude de Nicolas Sarkozy.

Non, le chômage en 2016 n’enregistre pas la plus forte baisse depuis 2000.

Après avoir tant attendu l’inversion de la courbe, le PS a la tentation d’en faire un peu trop avec les deux baisses de mars et avril. Ainsi, dire que la baisse du chômage en 2016 est la plus forte depuis 2000 est faux. Ce qui est vrai, c’est que la baisse du mois de mars (60 000 inscrits de moins pour la seule catégorie A), après une forte hausse en février, a été la plus forte depuis 2000. Mais si on prend l’évolution depuis le début de l’année, rien de tel. Sur les quatre premiers mois de 2016, la baisse a été de 70 000 demandeurs de catégorie A. Ce qui n’est en rien une première depuis quinze ans. Sur les quatre premiers mois de 2006, la baisse avait, par exemple, été de 107 000. Idem sur les quatre premiers mois de 2007, avec une baisse de 113 000.

Non, l’objectif initial de limitation du déficit n’est pas atteint.

L’objectif d’un déficit public limité à 3 % en 2017 devrait être atteint, nous dit le tract. Outre le fait que la Commission européenne n’en soit pas si sûre (elle table plutôt sur 3,2 % dans ses prévisions), il convient de rappeler que l’objectif initial de François Hollande était un retour à l’équilibre en 2017. Un objectif qui a été progressivement abandonné et remplacé par celui, plus réaliste, des 3 %…

Oui, 500 000 Français ont pris leur retraite… mais pas uniquement grâce à la réforme de Hollande.

Il y a bien eu un demi-million de Français qui ont pris leur retraite à 60 ans, en grande majorité en raison d'une carrière longue (470 000 en 2013, 2014 et 2015), mais ce n'est dû qu'en partie à la réforme de Hollande. Par un décret de juillet 2012, il avait élargi les dispositifs de 2003 puis 2010, qui permettaient déjà les départs anticipés pour ceux qui ont commencé à travailler tôt. Résultat : un plus grand nombre de Français ont pu partir de manière anticipée, mais ça ne veut pas dire que les quelque 500 000 départs s'expliquent par la réforme. Entre le 1er novembre 2012 et fin 2013, 40 % des assurés qui ont pris une retraite anticipée pour carrière longue ont bénéficié du décret du 2 juillet 2012 (près de 70 000 assurés). Les 60 % restants auraient pu partir à la retraite, même sans la réforme de Hollande.

Non, Sarkozy n’a pas fait 75 milliards d’euros de cadeaux aux plus riches.

Voilà le retour d’une des intox les plus grossières du PS. Les cadeaux fiscaux aux plus riches auraient atteint 75 milliards d’euros ? Le montant, calculé par le PS en 2012, correspond au manque à gagner fiscal lié aux décisions prises lors du dernier quinquennat. Mais dire que toutes étaient des cadeaux fiscaux aux plus riches est une idiotie. Dans cette somme, on trouve des décisions n’affectant guère les particuliers, comme la suppression de la taxe professionnelle ou de la TVA dans la restauration. On trouve aussi des mesures profitant (au moins en partie) à des Français modestes : par exemple, l’exonération et la défiscalisation des heures supplémentaires, qui pèsent 18 milliards d’euros sur les 75 milliards, et dont on ne peut pas vraiment dire qu’elles sont un «cadeau aux plus riches».