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«Quand tu te retrouves avec Macron après avoir entendu le discours du Bourget…»

par Stéphanie Harounyan, (à Marseille)
publié le 12 juin 2016 à 20h41

Ils ont été candidats au même moment. Hollande à la primaire puis à la présidentielle, Olivier Leberquier (CGT) et ses partenaires de Fralib à la reprise de leur entreprise de Gémenos (Bouches-du-Rhône), que le géant de l’agroalimentaire Unilever voulait fermer.

Après des années de conflit, les «Fralib» ont réussi leur pari : signer un accord qui leur permet de lancer leur coopérative, Scop TI, et de gérer leur usine de transformation de thé et d’infusions. C’était en mai 2014, Hollande était à l’Elysée depuis déjà deux ans.

Mais pour le syndicaliste, le parallélisme s'arrête là : «Je ne suis pas devenu patron, je suis coopérateur ! Responsable, oui, j'assume ce mot. On l'assumait déjà comme responsables syndicaux.» Le candidat Hollande avait plusieurs fois rendu visite aux Fralib en lutte, puis c'est en tant que Président qu'il est revenu inaugurer la scop, en juin 2015. «Ce serait malhonnête de dire que le gouvernement ne nous a pas aidés, relève Leberquier. Même si on a dû batailler encore deux ans après l'arrivée au pouvoir de la gauche, ils nous ont appuyés. Cela signifie bien que quand le politique veut, il peut ! On aurait aimé que cela dépasse le cadre de notre usine.»

Le militant a dû accuser de nombreux coups. A commencer par la loi sur la sécurisation de l'emploi (accord national interprofessionnel, ANI), «une reculade sociale». Puis la loi Macron, «et presque Macron lui-même» : «Quand j'entends dans un de ces premiers discours qu'il dit que tout le monde rêve d'être millionnaire… Pas moi ! Je rêve d'une société où tout le monde vivrait correctement. Quand tu as entendu le discours du Bourget et qu'ensuite, tu te retrouves avec Macron…» En ce moment, c'est la loi travail qui mobilise sa colère. Pour autant, il n'a jamais été dupe : «On savait que ce n'était pas le candidat de gauche le plus révolutionnaire. Mais au moins, quand Sarkozy était au pouvoir et que la colère montait, je disais aux gens qu'il ne fallait pas se plaindre car il n'y avait pas de surprise. Là, en ne faisant pas ce qu'il a promis lors de la campagne, il y a un danger encore plus fort de poussée du FN.»

2017 et les dilemmes de second tour, Leberquier les suit de très loin : «Le système est malade : il faut qu'on passe à autre chose. Ce n'est plus possible de voter tous les cinq ans pour une personne et pas pour un projet. C'est comme si on était encore sous la royauté.» Il ajoute : «Peu importent les élections, je continuerai à me battre pour faire fonctionner la scop et pour obtenir un changement de société et laisser un autre monde à nos enfants. Je n'ai que 53 ans, ça peut arriver de mon vivant !»