Le procureur de la République de Marseille, Brice Robin, avait prévenu le matin même: «Tout fait de violence à l'encontre des forces de l'ordre ou des supporters fera l'objet de comparution immédiate avec mandat de dépôt. Ils ne peuvent pas espérer de ma part d'avoir de la bienveillance.» Message reçu, cet après-midi par le tribunal correctionnel, qui a traité à coups de peines de prison ferme les cas des dix personnes interpellées ce week-end suite aux violences survenues en marge du match Angleterre-Russie. Dans le box, six Britanniques, un Autrichien et trois Français devaient répondre pour des faits de «violences avec arme par destination», à savoir des jets de canettes de bière pour la plupart d'entre eux.
Grands absents de l'audience, les supporteurs russes, pourtant pointés du doigt le matin même par le procureur. 150 hooligans «extrêmement entraînés» seraient en effet impliqués dans les rixes du week-end, mais aucun n'a pour l'instant été interpellé. «Préparés pour des opérations hyper-rapides et hyper-violentes, ils ont visiblement déjoué la surveillance policière en évitant d'arriver par avion à Marseille», a justifié Brice Robin, précisant que les enquêteurs travaillaient toujours à l'identification des auteurs de ces actes.
Faute de grosses pointures, le tribunal a dû se contenter de petites frappes cet après-midi. La quasi-totalité des personnes présentes à la barre n'ont en effet aucun casier judiciaire. C'est le cas d'Alexander B., un Britannique venu voir le match en famille. Il a fêté ses 20 ans hier en garde à vue, après son arrestation la veille sur le Vieux-Port. On lui reproche d'avoir jeté une bouteille de bière sur les forces de l'ordre, à qui il a aussi fait un doigt d'honneur appuyé d'un «fuck !». «Je respecte la police», répond via son interprète le jeune cuistot, vêtu du t-shirt de l'équipe anglaise. Lui assure que l'objet jeté était un verre en plastique, qu'il ne visait pas la police, s'excuse même auprès des Marseillais pour son comportement. Le procureur n'entend pas ses explications, requérant deux mois de prison ferme avec mandat de dépôt, plus deux ans d'interdiction du territoire français. Il sera suivi par la juge, sous le regard désespéré de son père, présent dans la salle.
La juge sera tout aussi ferme avec les prévenus suivants. Pour Ian H., un infirmier psychiatrique anglais de 41 ans qui avait lui aussi jeté deux bouteilles sur les policiers, ce sera trois mois ferme. Idem pour Ashley K., 27 ans, reconnu coupable d'avoir jeté sept canettes vides. Pour ce dernier, son avocate avait pourtant tenté d'invoquer le contexte médiatique pour relativiser les faits. «Dans une situation comme celle-là, vous auriez affaire à un Français, je suis convaincue que votre juridiction irait vers un sursis», a-t-elle avancé, rappelant le rôle de l'alcool dans cette affaire – la plupart des prévenus ayant fait un tour par la cellule de dégrisement.
«Il y a d'autres matchs qui arrivent. Les policiers sont dans un état de risque maximum pour leur sécurité», lui a renvoyé le procureur, qui s'est montré tout autant inflexible avec David P., un Aixois de 30 ans sans casier. Jeudi soir, la veille du match Angleterre-Russie, il s'en était pris à des supporteurs anglais en leur arrachant leur drapeau et leur maillot, les frappant également avec sa ceinture. Perdu dans le box, le jeune loueur de voiture a choisi de lire une lettre pour dire «sa honte» et expliqué qu'il avait réagi après avoir été lui-même agressé. «J'ai commis des actes d'une profonde stupidité, mais je ne suis pas un hooligan...» Des arguments insuffisants pour le procureur, qui a requis pour lui deux ans ferme, émettant l'hypothèse d'un rendez-vous entre supporteurs marseillais pour se «venger» des violences de 1998.
A l'époque, en pleine coupe du Monde, des violences avaient déjà éclaté sur le Vieux-Port en marge du match Angleterre-Tunisie. Un rappel historique dont s'est emparé l'avocate du jeune homme : «Est-il raisonnable, quand on parle de match à haut risque, de laisser cette rencontre se jouer à Marseille ? Tout le monde savait que ça tournerait mal. Et on se rend compte qu'il suffit d'un match de foot pour faire basculer des hommes passifs !» Ce sera finalement un an de prison. Les audiences se sont poursuivis dans la soirée.