Ils voulaient tous bien se tenir. Gauche comme droite ont tenté, mardi, de ne pas offrir l'image d'une classe politique enferrée dans la polémique, vu le «cap dans l'horreur […] franchi» à Magnanville (Yvelines), selon les mots de Manuel Valls. Une unité nationale de façade palpable dans un échange à l'Assemblée entre le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, et le député LR des Yvelines David Douillet. Les deux hommes se trouvaient dans la matinée au commissariat des Mureaux où travaillait le policier assassiné. «En sortant ensemble […], nous nous sommes dit que la dignité de ces policiers devrait nous servir de boussole», a rappelé Cazeneuve, mentionnant aussi le fils du couple assassiné «auquel nous devons donner une image digne de la France». Majorité et opposition ont également dénoncé de concert les mises en cause des forces de l'ordre et les violences en marge des manifestations contre la loi travail (lire pages 18-19). La droite ne voulait surtout pas redonner le désolant spectacle qu'elle avait offert à l'Assemblée après le 13 Novembre. Cette exigence de dignité a été à peu près respectée. «Au moins provisoirement», nuance un parlementaire LR qui ne se fait pas trop d'illusions sur la suite.
«Pas de peine de mort». Devant les députés PS, Manuel Valls a promis de ne pas se laisser entraîner dans la surenchère. «Certains chercheront la polémique politicienne, à nous mettre dehors sur l'autorité», a-t-il exposé, martelant ensuite, pour endiguer les demandes de la droite, son bilan législatif en matière de sécurité (deux lois sur le terrorisme, deux lois sur le renseignement). «Nous n'allons pas adopter à chaque fois une nouvelle mesure», a-t-il défendu, avant que François Hollande n'annonce quand même une «vigilance portée à son niveau maximum avec des moyens supplémentaires». Sans plus de détails. Comme après les attaques du 13 Novembre, Valls s'est dit prêt à étudier les propositions de la droite, en précisant toutefois : «Je ne veux ni de la peine de mort, ni de Guantánamo, ni de la vente d'armes.»
Malades mentaux. En décembre, le Conseil d'Etat avait jugé impossible la création de centres de rétention pour les individus «fichés S», alors réclamée par le numéro 2 de LR, Laurent Wauquiez. Tout en protestant qu'il sera toujours présent «au rendez-vous de l'union nationale», Eric Ciotti a ressorti cette proposition, en précisant qu'elle ne visait que les islamistes les plus dangereux. Selon ce très proche de Nicolas Sarkozy, une telle mesure concernerait près d'un millier des quelque 11 000 personnes recensées au fichier des islamistes radicaux. Il a invité la gauche à voter le texte qu'il se propose de déposer avec Guillaume Larrivé, porte-parole de LR. La droite soutient qu'il doit être possible, dans le cadre de l'état d'urgence, d'imposer une rétention administrative ou un bracelet électronique aux islamistes identifiés comme particulièrement dangereux. Hors état d'urgence, Ciotti estime que la rétention peut être envisagée si les individus radicalisés sont traités comme des malades mentaux. «Un fou peut être enfermé par le préfet sur la base d'un arrêté d'hospitalisation d'office. Pourquoi ne pas envisager cette procédure pour les terroristes ?» s'interroge l'élu des Alpes-Maritimes.
Quant à la présidente du FN, Marine Le Pen, elle a jugé via Facebook que «la vraie lutte contre le fondamentalisme n'a pas été engagée». Aux habituelles revendications frontistes contre l'immigration, l'eurodéputée a ajouté une proposition d'effet plus immédiat : l'application de l'article 411-4 du code pénal. Cet article punit d'un maximum de trente ans de détention et de 450 000 euros d'amende le fait d'«entretenir des intelligences avec une puissance étrangère, avec une entreprise ou organisation étrangère […] en vue de susciter des hostilités ou des actes d'agression contre la France», ou d'en fournir les moyens. Une revendication déjà portée par la droite, en 2015. Le gouvernement avait jugé cette voie légale hasardeuse.