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Libération

Autisme : interdire le packing , «une décision stupide»

Publié le 14/06/2016 à 20h21

L'homme est d'ordinaire discret. Le professeur David Cohen dirige pourtant la plus importante unité de pédopsychiatrie en France, à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris XIIIe). «D'habitude, nous dit-il, je me tais, j'ai bien d'autres choses à faire. Mais là, me faire traiter de maltraitant par une secrétaire d'Etat, cela suffit. Jamais je n'ai été confronté à une décision et à des propos aussi stupides.» Dans la grande Revue de neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence, il est sorti de son silence pour publier un édito au vitriol, sous la forme de lettre ouverte au président de la République.

L'objet du délit ? Le packing. Une pratique de soins qui consiste à envelopper dans des draps humides des personnes pour essayer d'apaiser et de contrôler des troubles du comportement. «Il n'est proposé qu'à quelques enfants et adultes chaque année», rappelle le professeur Cohen. Des enfants qui, pour la plupart, s'automutilent gravement. Depuis quelques années, plusieurs associations de parents d'enfants autistes ont pris cette technique en horreur, la classant comme l'exemple emblématique de la maltraitance de la psychiatrie publique. Il est vrai qu'il y a un passif, et le contentieux est fort entre certaines associations et certains psys sur l'autisme. Les premiers accusant les seconds de culpabilisation et d'incompétence, ces associations cherchant à faire entrer l'autisme dans le champ du handicap et non plus de la maladie mentale.

Dans sa lettre ouverte, David Cohen rappelle que le contrôleur général des lieux de privation de liberté, qui a longuement visité son service de 67 lits temps plein dans des unités fermées à clé, n'y a rien trouvé à redire. Le packing y est «mis en œuvre avec discernement dans le respect du bien-être du patient, exclusivement sur prescription médicale, et avec l'accord des parents», y est-il écrit. Mais le mois dernier, Ségolène Neuville, la secrétaire d'Etat en charge des Personnes handicapées et de la Lutte contre l'exclusion, dont certains membres du cabinet sont très proches de ces associations, a publié une circulaire visant à interdire le packing. Colère d'une partie des praticiens. Pour Cohen, «il s'agit de polémiques, de sensationnel, parfois de diffamation, de préjugés concernant une pratique qui est marginale, qu'on devrait qualifier de "thalassothérapie" à l'hôpital, et dont la mise en cause évite de parler des vrais problèmes». Et de citer la «démographie catastrophique de la discipline», le «niveau de formation indigne des professionnels de santé», la «sous-rémunération des collègues paramédicaux», le «non-remboursement de nombreux soins réalisés en privé faute de place», l'«absence de recherche clinique structurelle malgré des investissements substantiels de l'Etat». Des propos de bon sens.