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Libération
Récit

Ciblés, les policiers pourront garder leur arme en dehors de leur service

Des représentants des forces de l’ordre, inquiètes et fatiguées, ont été reçus mardi au ministère de l’Intérieur.
A Magnanville, mardi. (Photo Stéphane Remael)
publié le 14 juin 2016 à 20h11

«Ce matin, des collègues ont passé l'arme à la ceinture devant leurs conjoints, leurs enfants terrorisés, pour aller encadrer une manifestation avec des personnes portant des autocollants "tout le monde déteste les flics".» Et faire face à une nouvelle fois, mardi après-midi, aux jets de pierres des casseurs (lire pages 18-19). Vingt-quatre heures de la vie d'un flic, résumées par Céline Berthon, secrétaire générale adjointe du Syndicat des commissaires de police. Pas de haine, pas de colère chez les policiers, affirment, unanimes, les représentants de toutes les catégories de la profession, reçus mardi en fin d'après-midi Place Beauvau, mais de la douleur et beaucoup de lassitude.

Aujourd'hui, «on est tués», a affirmé mardi matin devant le commissariat des Mureaux Yves Lefebvre, le secrétaire général du syndicat Unité SGP Police FO (majoritaire chez les gardiens de la paix) : «Ça rappelle l'Algérie des années 90 [lors de la guerre civile avec les groupes islamistes armés, ndlr]. Les 140 000 policiers de France sont tristes, atterrés. Les policiers vont avoir peur.» Place Beauvau, les organisations syndicales ont exigé que soit pérennisée, au-delà de l'état d'urgence, la possibilité de conserver son arme de service sur le trajet travail-domicile. Ils ont été entendus sur ce point-là. «Pour la première fois, des policiers sont tués chez eux, dans leur environnement personnel. C'est pour nous du jamais-vu. Une vraie sidération», souligne Philippe Capon (Unsa). Depuis janvier 2015, quatre policiers ont été tués en France par des jihadistes. «Chacun d'entre nous se sent comme une cible potentielle, mais nous continuons à remplir les missions qui nous sont assignées», poursuit-il. Et celles-ci s'enchaînent à un rythme plus que soutenu : crise migratoire, état d'urgence, plan Vigipirate renforcé, cortèges contre la loi travail et Euro de football.

«Avec la lassitude, il y a, dans nos rangs, un profond sentiment d'injustice quand on voit les campagnes anti-flics menées par quelques-uns et relayées par des politicards à la petite semaine», se désole Patrice Ribeiro, secrétaire national de Synergie officiers (droite), qui réclame notamment «des mesures de rétention de sûreté pour les individus les plus radicalisés, surtout s'ils ont déjà été condamnés». Céline Berthon met en garde : «Pour servir, protéger et défendre, les policiers sont prêts à prendre des risques, mais encore faut-il que l'on contribue à donner du sens à leur métier.»