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Libération
A la barre

A Marseille, prison ferme pour trois hooligans russes

Après les violences du week-end sur le Vieux-Port, ils ont été condamnés à des peines allant de un à deux ans de prison.

Ce jeudi, au tribunal de Marseille. (Photo Anne-Christine Poujoulat. AFP)
ParStéphanie Harounyan
correspondante à Marseille
Publié le 16/06/2016 à 18h53, mis à jour le 16/06/2016 à 19h22

Ils ne sont finalement qu'un trio à la barre. Après l'interpellation, mardi, de 43 supporters russes près de Mandelieu (Alpes-Maritimes) et deux jours de garde à vue, le parquet a décidé de renvoyer devant le juge que trois supporteurs russes soupçonnés d'avoir participé aux violences du week-end sur le Vieux-Port de Marseille. Vingt autres ont été relâchés, les vingt restants attendent au centre de rétention du Canet leur expulsion, lundi, pour troubles à l'ordre public. Les trois prévenus, présentant des casiers vierges, ont tous été reconnus par les enquêteurs sur des vidéos ou des photographies circulant sur le Web. Le premier, Alexeï Erinov, 29 ans, travaille pour le Lokomotiv comme responsable des relations avec les supporteurs. Sur les vidéos, on le voit, entourés d'autres Russes, en train d'haranguer des Anglais qui leur font face. D'autres Russes frappent un homme à terre : le procureur explique qu'il s'agit de l'Anglais grièvement blessé samedi lors des affrontements, aujourd'hui encore dans un état critique. Une autre vidéo le montre en train de courir après quelqu'un. «J'ai les mains propres», répète-t-il plusieurs fois, assurant n'avoir frappé personne.

«Je n’ai jamais vu une fuite en avant, ça s’appelle une charge»

Le procureur prend le temps de préciser les qualifications retenues pour renvoyer les prévenus devant le tribunal : ils comparaissent pour «violences avec armes», mais aussi pour avoir participé sciemment à un groupement en vue de préparer des «violences volontaires contre les personnes», un délit créé par une loi de mars 2010 contre les bandes violentes. «Je n'ai pas à prouver qu'il a frappé quelqu'un, lance-t-il. Il fait partie d'un groupe qui est là pour taper. La co-action est donc avérée.» Ce qui mérite, pour lui, trente mois de prison avec mandat de dépôt et deux ans d'interdiction du territoire. L'avocat du supporteur russe le reconnaît, sa tâche n'est pas aisée. Seule issue, s'appuyer sur les images pour plaider que son client ne fait rien, ne blesse personne. «Le procureur a récupéré dans son filet des petits poissons et, pour des raisons médiatiques et politiques, il essaie de leur faire porter un chapeau trop grand pour eux», tente-t-il, demandant la relaxe.

A sa suite, le cas de Sergueï Gorbatchev, 34 ans, est plus explicite. Sur les vidéos, on le voit en premier plan jeter une pierre sur un groupe de Marseillais. «Je visais par terre, je ne voulais pas faire de mal», se défend-il, ajoutant qu'il ne faisait que répondre à une attaque de l'autre groupe, n'ayant nulle part où fuir. «Je n'ai jamais vu une fuite en avant. Ça s'appelle une charge», lui renvoie le procureur, demandant la même peine que pour le précédent. Il n'y a que pour le troisième supporteur, Nikolaï Morozov, 29 ans, que le réquisitoire est un peu moins sévère. Et pour cause : sur les images, le supporteur responsable logistique du club du Dynamo, le club de foot moscovite, ne fait que marcher.

Toujours dans sa logique de la co-action, le procureur pointe sa présence dans les groupes violents, sans pouvoir prouver le passage à l'acte. Pour lui, un an sera requis, avec deux années d'interdiction du territoire. «A votre barre, des peines d'un an ou trente mois pour ce type de cas, on n'en voit pas beaucoup», pointe l'avocat du Russe. La présidente ne l'entendra pas, suivant le procureur et condamnant Morozov à un an de prison, Gorbatchev à dix-huit mois et Erinov à deux ans, et pour chacun une interdiction de deux ans du territoire français.

«C'est un message fort à l'encontre de ces fauteurs de trouble qui confondent le sport et la violence», a commenté le procureur de la République Brice Robin à l'issue de l'audience. «Je souhaite que les prochains matchs se passent aussi bien que celui d'hier à Marseille. Sinon nous avons maintenant une jurisprudence du tribunal que nous pourrons utiliser pour punir ces faits inadmissibles», a-t-il aussi prévenu. S'il reconnaît que certains hooligans n'ont pas pu être déférés faute de preuves, il se satisfait déjà du bilan d'étape du parquet sur ce dossier: «68 gardes à vue, 19 déférés, 12 condamnés à de la prison ferme, sept autre sous contrôle judiciaire et quatre présentés demain au parquet pour des faits de violences, c'est considérable», a-t-il soutenu, saluant le travail de fourmi des enquêteurs français, qui ont dû éplucher près de 200 heures de vidéos pour tenter d'identifier les coupables. Les photos de certains d'entre eux ont déjà été envoyés aux services de police russe en vue d'une identification. Cible principale des recherches : les auteurs de l'agression sur les deux supporteurs anglais, qui sont toujours aujourd'hui dans un état grave.