L'ambiance est lourde, grave. Avant les discours officiels et la rupture du jeûne, le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Anouar Kbibech, a demandé à l'assistance de se lever et d'observer une minute de silence. Ce que font les 200 personnalités qui ont assisté, mercredi soir, à l'iftar officiel du CFCM. C'est l'occasion de redire l'«horreur» et le choc qu'a provoqué l'attentat contre les deux policiers à Magnanville (Yvelines). Dès son annonce, les grandes institutions de l'islam de France ont condamné un «acte abject».
Quand il s'est adressé aux responsables musulmans, le ton du ministre de l'Intérieur, chargé des Cultes, a été exceptionnellement ferme. Bernard Cazeneuve a d'abord affiché son inquiétude face aux «divisions» et aux «fractures irréversibles» que le terrorisme instille, selon lui, au sein de la société française. Selon le ministre, l'islam de France a une «responsabilité historique» dans la lutte contre la radicalisation. «Elle nous engage ensemble», dit-il, à «continuer à militer pour la défense de la République contre le terrorisme» et à «lutter contre l'obscurantisme, le fanatisme, le rejet de l'autre».
Fermeté du ministre
Le ministre de l'Intérieur qui, selon son entourage, s'est largement écarté de la version initiale de son discours, a exprimé son inquiétude face à la montée du communautarisme. Il demande «l'intransigeance» envers ceux qui trouvent des «explications et des excuses» aux jeunes qui se radicalisent, reprenant là une rhétorique similaire à celle du Premier ministre, Manuel Valls. Tout en affichant sa volonté de combattre les actes antimusulmans, il précise – et c'est une première – que ce sont les édifices chrétiens qui sont les principales cibles des atteintes antireligieuses.
Cette fermeté du ministre de l'Intérieur n'a apparemment pas froissé. «C'est un discours qui rappelle les droits et les devoirs des musulmans, mais aussi l'appartenance de chacun à la République», estime ainsi Hassan El Alaoui Talibi, l'aumônier national musulman des prisons. Très présent sur le terrain, Bernard Cazeneuve bénéficie, de fait, d'une grosse cote de popularité dans les milieux musulmans français. Pour Anouar Kbibech, la récente mise en place d'un conseil théologique au sein du CFCM devait notamment permettre l'élaboration d'un «contre-discours religieux» face à la propagande de l'Etat islamique. «Le mois de ramadan est une période de ferveur, un moment pendant lequel les mosquées sont très fréquentées. C'est l'opportunité de faire passer des messages auprès d'un grand nombre de fidèles», estime le président du CFCM.
«Marquer son indépendance»
Pendant le ramadan, beaucoup d'associations et de mosquées organisent des repas de rupture de jeûne, l'occasion d'inviter les responsables politiques et religieux. Contrairement aux années précédentes où il ne l'avait pas fait, le CFCM a tenu à en organiser un. «C'est une façon de marquer son indépendance face à la Grande Mosquée de Paris», estime-t-on dans l'entourage du ministre. Vendredi soir, ce sera au tour de Dalil Boubakeur, le recteur de la Grande Mosquée de Paris, d'accueillir Bernard Cazeneuve dans son institution.