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Libération

Les anti-GPA tombent dans l’acharnement législatif

publié le 16 juin 2016 à 20h21

Faut-il interdire ce qui est déjà interdit ? Sanctionner davantage ce qui l’est déjà ? Certains le pensent, et en font des propositions de loi (PPL). Deux en l’occurrence, destinées à lutter encore plus fort contre le recours à la gestation pour autrui (GPA). Une pratique pourtant interdite en France depuis vingt-deux ans ! Et très confidentielle, à laquelle recourent des couples hétéros en cas de problème utérin ou des couples d’hommes.

Derrière ces PPL, les députés LR Philippe Gosselin et Valérie Boyer, qui ont profité d’une «niche» parlementaire réservée à l’opposition pour lancer leurs textes. Avec la bénédiction bien sûr de la Manif pour tous, qui appelait jeudi à des rassemblements dans plusieurs villes, et de l’association catholique pro-vie Alliance Vita. Rejetées en commission des lois, ces deux PPL qui seront soumises à un vote mardi ont très peu de chance d’être adoptées. Mais elles sont symptomatiques d’un combat idéologique sans cesse ravivé et acharné.

En France, le recours à une mère porteuse, qu'il soit rémunéré ou non, est interdit. D'abord en vertu d'un arrêt de la Cour de cassation, rendu le 31 mai 1991 à propos de l'association Alma Mater, qui mettait en relation des femmes infertiles et des mères porteuses. Il dispose que «la convention, par laquelle une femme s'engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour l'abandonner à sa naissance, contrevient aux principes d'ordre public de l'indisponibilité du corps humain et de l'état des personnes». Cet arrêt est conforté par l'adoption, trois ans plus tard, de la loi de bioéthique du 29 juillet 1994, qui conforte cette interdiction : «Toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle.» Les sanctions sont sévères : un an d'emprisonnement et jusqu'à 15 000 euros d'amende. Pas suffisant ?

Pour mieux verrouiller l'affaire, le député Philippe Gosselin propose de graver «le principe d'indisponibilité du corps humain» dans la Constitution. Ce principe est pourtant déjà inscrit dans la loi. La proposition de Valérie Boyer suggère, quant à elle, de doubler les peines de ceux qui recourent à la GPA ou qui jouent les entremetteurs dans un but lucratif. Et elle entend surtout interdire toute transcription d'acte d'état civil étranger reconnaissant une filiation issue de cette pratique. Dans le collimateur de la députée : la circulaire de 2013 de la garde des Sceaux Christiane Taubira, demandant aux tribunaux de ne plus refuser la délivrance des certificats de nationalité française aux enfants nés à l'étranger au motif qu'ils sont issus de GPA. Dans le viseur aussi, la décision, en 2014, de la Cour européenne des droits de l'homme de condamner la France pour son refus de reconnaître et d'inscrire à l'état civil français les enfants ainsi nés. Si ces décisions n'ont pour seul but de ne pas laisser ces enfants sans filiation afin de ne pas créer des «fantômes de la République», les anti-GPA les fustigent comme un premier pas vers l'acceptation de cette pratique.