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Ambitions

Emmanuel Macron «ministre», «pas candidat»

Alors que ses proches le donnaient partant du gouvernement mi-juillet, Macron dit «son souhait de rester» à Bercy et remet son destin entre les mains de François Hollande.
Emmanuel Macron dans la cour de l'Elysée, le 8 juin. (Photo Stéphane de Sakutin. AFP)
publié le 17 juin 2016 à 13h15

Emmanuel Macron opère une de ses volte-face dont il a le secret. Vendredi matin, le ministre de l'Economie à qui l'on prête depuis des semaines l'intention de quitter le gouvernement pour préparer l'échéance de 2017, s'est inscrit en faux. «Dans nos institutions, il y a un ministre qui s'engage et un président qui dispose. Je suis engagé au service de l'économie de notre pays. Je suis par ailleurs engagé sur des projets politiques. Mais mon souhait aujourd'hui est de continuer à être ministre de l'Economie et responsable d'un mouvement politique qui recompose, je l'espère, l'offre française»,  a rétorqué Macron vendredi au micro de RTL. A l'entendre, il ne quittera le gouvernement que poussé vers la sortie par le chef de l'Etat…

Un message qui va totalement à rebours de ce que le ministre laissant entendre depuis le lancement de son mouvement En Marche, le 6 avril. Depuis ce jour, l'ambition politique du ministre de l'Economie – que François Hollande avait, par le passé, assez imprudemment qualifiée de «pas dérangeante» – ne fait plus guère de doute. A des interlocuteurs choisis, susceptibles de contribuer au financement de son mouvement, Macron laissait volontiers miroiter son dessein présidentiel en marge de ses réunions à Bercy ou dans le huis clos de dîners privés, multipliant les petites phrases sibyllines du genre «j'irai jusqu'au bout», «j'irai très loin», etc. Au premier cercle de ses amis, il parlait ouvertement de son projet, autorisant même certains à relayer ses confidences aux médias… Façon de s'entourer de la publicité nécessaire, tout en se réservant la possibilité de faire machine arrière le cas échéant.

Le leurre d’une forte popularité

C'est précisément ce qui est en train de se passer. Depuis l'épisode du costard le 27 mai à Lunel (Héraut), l'étoile du ministre de l'Economie a pali. Sur fond de turbulences sociales, son altercation avec les deux opposants à la loi travail puis la publicité donnée à ses tentatives légales d'échapper à l'Impôt sur la fortune (ISF) ont frappé l'opinion. Jusque-là insolente, la popularité du ministre a marqué le pas dans les sondages, notamment auprès des sympathisants de gauche. Dans le dernier sondage TNS Sofres-One Point pour RTL-le Figaro-LCI, il serait aux yeux des Français le meilleur candidat pour la gauche en 2017, que François Hollande se représente ou non. Mais l'image tient du leurre : la pole position de Macron doit beaucoup au sentiment d'un électorat de droite, qui dans les urnes lui préférera à coup sûr ses propres champions, Alain Juppé, Nicolas Sarkozy, François Fillon ou Bruno Le Maire. A gauche, Macron passe désormais derrière Mélenchon, Hulot, et Valls, personnalités idéologiquement moins ambiguës…

De quoi modifier les plans de l'équipe Macron qui jusque-là, tablait sur une possible sortie du gouvernement mi-juillet, suivie d'une déclaration formelle de candidature à l'automne, une fois délivré le diagnostic de l'Etat de la France sur lequel travaille son mouvement En Marche. «La fenêtre de tir, c'est entre fin mai et fin septembre», avait indiqué un proche à Libération.

Visibilité médiatique assurée

Mais à quitter le navire gouvernemental en pleine tourmente, entre attentats terroristes, hooliganisme, inondations et pourrissement du conflit sur la loi travail, Macron prenait le risque de passer pour un inconséquent, qui plus est, égotiste. Désastreux pour qui affirme que le «vrai sujet n'est pas ce qui arrivera à ma petite personne dans deux mois, six mois ou un an, mais d'être capable de porter une vision et d'articuler un projet», comme il l'a dit vendredi au micro de RTL. La «refondation d'une offre progressiste» qu'il appelle de ses vœux n'y aurait sans doute pas résisté.

Pour l'heure, Macron choisit donc de ne pas bouger. Mieux : il renouvelle son allégeance à François Hollande, à l'en croire seul maître de son destin à Bercy. Ce faisant, le ministre s'assure une visibilité médiatique et une audience internationale le temps de charpenter son jeune mouvement. A charge pour lui d'apparaître comme un recours crédible, «naturel» pour reprendre l'expression du maire PS de Lyon, Gérard Collomb, si la cote de popularité de François Hollande finissait par l'empêcher de postuler à sa réélection.