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Libération
EDITORIAL

Idéologie

publié le 21 juin 2016 à 20h31

La dérive violente d’une partie des protestataires de ces dernières semaines a quelque chose d’angoissant. On peut expliquer - mais non approuver - les réactions émotives de certains citoyens devant les injustices du système ou l’impérieuse décision d’un gouvernement. Mais dans le recours à la force utilisé par certains manifestants - venant le plus souvent de l’ultra-gauche -, il y a bien autre chose : une idéologie. Il s’agit d’abord de déprécier, délégitimer, mépriser, au fond, le fonctionnement de la démocratie, dont on déclare tout de go qu’elle est factice, truquée, biaisée. Etrange sophisme qui met sur le même plan des pays de droit, certes très imparfaits, où les citoyens sont protégés par des garanties légales solides, et les vraies tyrannies, dont on parle évidemment beaucoup moins, de peur d’affaiblir le raisonnement. Il s’agit ensuite, en s’attaquant aux symboles de l’Etat et en agressant la police, de «faire apparaître la violence latente du système». On casse un Abribus, emblème bien connu de l’oppression capitaliste, la police intervient : voici la violence implicite de l’Etat dévoilée pour l’édification des masses. Ou alors on brise les baies vitrées d’un hôpital, autre symbole réactionnaire, ou encore on s’attaque à des permanences du PS ; les forces de l’ordre tentent d’interpeller les contrevenants et voici la dictature vallsiste prise la main dans le sac. Tel est le niveau de la réflexion, cautionnée par des intellectuels ayant pignon sur rue. Alors que la seule chance de faire fléchir un gouvernement, en démocratie, consiste à mettre l’opinion de son côté, et non à ternir le mouvement social en l’accompagnant, à son corps défendant la plupart du temps, par des dégradations gratuites et des jets de projectiles qui finissent par mettre en danger la sécurité des personnes, manifestants ou policiers. Misère de la pensée révolutionnaire, ou qui prétend l’être.