Jusqu’à mardi tout le monde semblait – en apparence d’accord – sur l’idée de transférer le financement du RSA à l’Etat : les présidents de conseils départementaux comme le gouvernement. Le Revenu de solidarité active pèse en effet de plus en plus lourd dans les budgets exsangues des départements. Son coût global est passé de 5,7 milliards d’euros en 2009 à 9,2 milliards en 2015. Entre les deux dates, le nombre d’allocataires a augmenté en flèche, du fait de la dégradation de la situation de l’emploi: quand les chômeurs arrivent en fin de droits, ils basculent aux minima sociaux. Ainsi le nombre d’allocataires du RSA-socle (l’ancien RMI) est passé de 1,3 million en 2009 à 1,7 million en 2015.
Problème : pendant la même période, l’aide de l’Etat n’a pas suivi. En 2009, son aide de 5,2 milliards d’euros au titre du RSA compense à peu près la dépense de 5,7 milliards engagée par les départements. En 2015, c’est une tout autre affaire : le RSA leur coûte 9,2 milliards alors que l’aide de l’Etat reste limitée à 5,6 milliards. Ce qui fait 3,6 milliards d’euros à débourser pour les conseils départementaux. Leur situation financière vire sérieusement au rouge.
Face à cette difficulté, lors de son congrès de Troyes à l'automne 2015, l'ADF – l'Assemblée des départements de France présidée par Dominique Bussereau (LR) – pique un coup de sang et demande la «recentralisation» du RSA, qui avait été décentralisé en 2004 par le gouvernement Raffarin. Mais c'est un coup de bluff. Certes, l'ADF veut tirer la sonnette d'alarme, envoyer un signal fort au gouvernement pour que l'Etat augmente sa contribution. Mais de là à envisager le retour du RSA dans le giron de l'Etat, c'est autre chose. Les départements seraient dépouillés de l'une de leurs prérogatives.
«La question ne sera pas réglée avant la présidentielle»
Mardi matin, Dominique Bussereau, flanqué de son vice-président Maurice Leroy et d'une délégation pluraliste de neuf membres, se sont rendus une nouvelle fois à Matignon pour tenter de trouver une solution. Parmi les présidents de gauche, une large majorité est favorable à la reprise en main du RSA par l'Etat. Lors des discussions à Matignon, Manuel Valls propose à l'ADF de «recentraliser» le RSA, mais en échange d'une baisse de la dotation globale de fonctionnement, c'est-à-dire de la participation de l'Etat au bugdet des départements. Une condition jugée inacceptable par les deux représentants des 101 départements français. «Nous prenons acte de la position du gouvernement et l'ADF va décider d'arrêter les frais, c'est-à-dire de stopper toute discussion avec le gouvernement. De toute façon, maintenant la question ne sera pas réglée avant la présidentielle», explique Maurice Leroy, le président du conseil général du Loir-et-Cher. «Ce que nous demandons, c'est la renationalisation complète du RSA», poursuit encore l'ancien ministre UDI de Nicolas Sarkozy.
Il rappelle que lorsque Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, avait décidé en 2004 le transfert du RMI à la charge des départements, le coût de cette prestation avait alors été intégralement compensé par l'Etat par un prélèvement sur la TIPP, la taxe sur les produits pétroliers. «En 2004, mon département comptait 4 460 bénéficiaires du RMI pour un coût de 16,3 millions qui avait été alors compensé à l'euro près par le gouvernement. Aujourd'hui j'ai 10 000 bénéficiaires du RSA pour un coût de 40 millions d'euros que l'Etat ne compense qu'à moitié. Un manque à gagner équivalent à une hausse de 33 points de la fiscalité.» Les deux représentants des départements considèrent que l'Etat leur doit 4 milliards sur la partie du financement qui incombe aux départements. «Or Valls ne nous propose que 700 millions en nous piquant de l'argent par ailleurs», constate Maurice Leroy.