Menu
Libération
Contre-attaque

Macron tente de retrouver de l’air

Le ministre de l’Economie organise à Paris la première réunion publique de son mouvement En Marche, le 12 juillet à la Mutualité. Face à Michel Houellebecq dans «les Inrocks», il précise ce qu’il y a derrière son «ni de droite ni de gauche».
Emmanuel Macron à Lyon le 2 juin 2016. (Photo Bruno Amsellem pour Libération)
publié le 22 juin 2016 à 15h57
(mis à jour le 22 juin 2016 à 18h18)

Menacé d'asphyxie par la primaire du Parti socialiste, Emmanuel Macron contre-attaque. Le ministre de l'Economie organise la première grande réunion publique de son mouvement En Marche ce 12 juillet à la Mutualité, à Paris. A rassembler ainsi des élus, des dirigeants d'entreprise, des personnalités de la culture et du sport, tous adhérents, le jeune mouvement espère relancer sa dynamique. C'est que ces derniers temps ont été un peu rudes pour En Marche. Depuis début juin, l'enthousiasme des premières semaines a laissé la place aux doutes. Le flux d'adhésions (gratuites) s'est peu à peu tari (à près 60 000 personnes). Entre altercations avec des opposants à la loi travail et polémique sur son ISF, l'étoile de Macron a nettement pali. Chez les sympathisants de gauche dans la perspective de 2017, au coude-à-coude avec Arnaud Montebourg, il émarge désormais derrière Mélenchon, Hulot et Valls. Surtout, la volonté du ministre, réaffirmée vendredi 17 juin au micro de RTL, de rester au gouvernement sème le trouble dans les rangs de ses partisans, beaucoup commençant à douter de sa volonté réelle d'être candidat à la présidentielle.

Conversation de salon

De quoi forcer Macron à prendre l'initiative sans attendre la fin de sa Grande Marche prévue pour fin juillet ni l'élaboration de son «diagnostic sur l'Etat de la France» attendu pour la rentrée. Le grand raout du 12 juillet vient à point nommé pour rassurer ses troupes. En attendant, Macron continue de distiller ses idées par média interposé. Ainsi de son face-à-face avec Michel Houellebecq, rédacteur en chef d'un jour des Inrocks parus cette semaine, dont les convictions sont aux antipodes des siennes. L'ambitieux ministre de l'Economie est de conviction libérale. Ce même libéralisme qui pour l'écrivain est la source première du malaise existentiel de l'homme contemporain… «Tu m'interviewes ou je t'interviewe?» commence Macron, transformant d'entrée de jeu un face-à-face potentiellement âpre en conversation de salon entre bons copains, qu'a priori dans la vraie vie ils ne sont pas.

Houellebecq s'en accommode, qui a souhaité la rencontre par curiosité envers un politique philosophe qui, comme lui, se revendique «ni à droite ni à gauche». Un étendard fort trompeur, à lire le compte rendu de leur rencontre. Et c'est notamment vrai sur l'organisation de la démocratie. Ainsi le «ni droite ni gauche» de Houellebecq recouvre un rejet des partis et des systèmes de représentations. Fervent partisan de la consultation directe des citoyens, l'écrivain se prononce d'ailleurs pour une démocratie référendaire qui «devrait concerner à peu près tous les sujets».

Tel n'est pas du tout le cas de Macron. Méfiant envers le référendum – celui de 2005 sur l'Europe ayant fini de convaincre ce pro-européen du danger qu'il y a à consulter directement le peuple –, le ministre non élu défend la démocratie représentative. Lui croit «à la verticalité des formes de prises de décision», car «il n'y a pas d'organisation humaine sans reconnaissance d'une forme d'autorité». S'il y a bien un «malaise démocratique», le ministre ne l'attribue donc pas au manque de consultation des citoyens, mais à leurs attentes déplacées concernant les politiques. «Aucune organisation politique ne peut faire le bonheur des gens malgré eux. Leur rôle n'est pas de promettre intensité et bonheur, mais de donner un cadre où les citoyens peuvent s'émanciper et acquérir leur autonomie.»

«Conférences de consensus»

Mine de rien, Macron profite de l'occasion pour esquisser les prochaines expérimentations qu'il entend mener dans le cadre de son mouvement En Marche. A défaut de référendum, le ministre se prononce dans les Inrocks pour une autre forme de participation citoyenne. «Je crois plutôt aux méthodes telles que les conférences de consensus qui permettent aux meilleurs experts de former des citoyens pour que ces derniers puissent faire des propositions en pleine connaissance de cause. Je crois à la conscience éclairée.»

A l’automne, En Marche devrait tester l’affaire. L’idée consiste à réunir une vingtaine de citoyens «représentatifs» pour les faire débattre sous l’œil de caméras d’un sujet épineux, comme la réforme de la santé, de l’éducation nationale, etc. Durant quatre week-ends consécutifs, les participants sont invités à prendre connaissance de toutes les facettes du problème, à creuser les points les plus épineux en faisant appel à des experts, à débattre entre eux, pour enfin se mettre d’accord sur une réforme la plus consensuelle possible. Un concept en réalité déjà testé par l’institut Montaigne, think tank libéral dont le directeur général est Laurent Bigorgne, un ami personnel de Macron au point d’avoir consenti à héberger dans un premier temps le mouvement à son domicile personnel. Reste à savoir si ces expérimentations s’inscriront alors dans une ambition politique plus large.