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Libération
Récit

Côté Intérieur, une opération rondement menée

Face à des manifestants amers d’avoir été parqués, Cazeneuve peut se féciliter d’avoir réussi son pari.
Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur. (Photo Patrick Gherdoussi pour Libération)
publié le 23 juin 2016 à 20h42

Quelle étrange sensation que de manifester en vase clos ! A fortiori en tournant autour du bassin de l'Arsenal (IVarrondissement), cadre bucolique se prêtant plus volontiers aux premiers rencards… Jeudi, après à peine une heure de parade, le cortège anti-loi travail s'est dispersé sans heurt aucun. De ce point de vue, la réussite est totale pour la préfecture de police, son taulier Michel Cadot, et le ministère de l'Intérieur. En début de soirée, Bernard Cazeneuve s'en est d'ailleurs félicité, soulignant «qu'il n'y avait pas eu de casse, aucun blessé, et qu'aucune grenade lacrymogène n'avait été tirée». Mais pour les manifestants, remontés comme des coucous, la pilule est terriblement amère.

Souricière. A 14 heures, alors que les gendarmes mobiles procèdent aux premières fouilles minutieuses des sacs à dos, une pancarte, tenue par un golgoth tatoué, annonce la couleur : «Bienvenue au zoo !» Sur le bitume brûlant, on peut lire : «Par ici le tour de manège.» Cette ironie ne quittera jamais les quelque 20 000 contestataires présents. Il faut dire que les autorités avaient mis les petits plats dans les grands. Des grilles anti-émeutes étirées tout autour de la place de la Bastille dessinaient une souricière ultraserrée. Plus de 2 000 policiers et gendarmes encadraient le cortège. Des caméras avaient été installées en sus de celles du parc de la ville de Paris. Et le canon à eau confirmait son grand retour sur la scène parisienne.

A sa vue, le cortège de Solidaires s'époumone : «On a chaud, envoyez le canon à eau !» Certains n'hésitant pas, ensuite, à poser devant pour enchaîner les selfies. Derrière, les cheminots de SUD Rail craquent des fumigènes et parachèvent les railleries en hurlant «Allez les Bleus, allez les Bleus.» Alors que le cortège conquiert les deux rives du bassin de l'Arsenal, un homme, la quarantaine fatiguée, s'esclaffe : «On est les babouins, de l'autre côté, ce sont les chimpanzés !» Stoïques, les unités de forces mobiles ne bronchent pas.

Escalade. Vers 15 h 30, le gros des troupes file déjà dans les grandes largeurs. Les camions de merguez remballent leurs poêles à frire et une fanfare tournoie autour de la colonne de la Bastille. C’est alors qu’un groupe refuse d’obéir aux injonctions de quitter la place. Immédiatement, les CRS les encerclent vigoureusement. Durant plusieurs minutes, une centaine de personnes se retrouve acculée au pied du monument. Les plus kamikazes se lancent dans une escalade hasardeuse. En vain. A 17 h 30, hormis quelques invectives et le sempiternel slogan «tout le monde déteste la police», le trafic automobile reprend peu à peu.

En début de soirée, un bilan provisoire faisait état de 100 interpellations à Paris, surtout en amont de la manifestation pour détention de projectiles. Onze personnes ont tout de même été placées en garde à vue : deux pour «port d’arme», deux pour «dégradations», une pour «violence», quatre pour «attroupements armés» et deux pour «possession d’engins pyrotechniques».