Ce n'était donc pas la vengeance d'un salarié en interne. Ni, a priori, un acte terroriste ou même simplement malveillant. Vendredi matin, le parquet d'Aix peinait encore à expliquer ce qui a poussé l'homme de 34 ans, interpellé la veille à Marseille, à s'en prendre au site pétrochimique de LyondellBasell, à Berre-L'Etang, le 14 juillet 2015. En ce petit matin de fête nationale, vers trois heures, deux explosions ont entraîné l'incendie de deux grosses cuves d'hydrocarbures, sans faire de blessés. La piste de l'accident est rapidement écartée, d'autant que les enquêteurs trouvent, sur une troisième cuve, un dispositif de mise à feu qui n'a pas fonctionné. Côté mobile, aucune piste n'est écartée, même si l'acte terroriste semble peu probable, le geste n'ayant pas été revendiqué. Le parquet antiterroriste de Paris ne se saisit d'ailleurs pas de l'affaire, laissant les gendarmes de la région gérer l'affaire.
Il leur faudra onze mois pour remonter jusqu'à l'auteur présumé des faits, un franco-tunisien sans casier judiciaire. «Il réfute tout acte terroriste, a répété Dominique Moyal, la procureure d'Aix. Son discours n'est pas celui de quelqu'un qui veut nuire aux intérêts de la France. Au contraire, il dit qu'avec ce geste, il voulait alerter la nation sur le positionnement de certains Etats étrangers.» C'est d'ailleurs pour cela qu'il aurait choisi d'agir un 14 juillet. «Il répète que c'est politique, mais sans avoir de connaissances très fines en géopolitique…», relève la magistrate. En tout cas, l'homme reconnaît spontanément être à l'origine des explosions.
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Avant d'interpeller le suspect à son domicile, dans le quartier marseillais du Panier, les enquêteurs ont dû abattre un travail «de fourmi», a rappelé hier le général David Galtier, qui commande la gendarmerie de la zone sud. Il a d'abord fallu écarter la piste d'un conflit interne à l'entreprise en interrogeant les 4 000 salariés du site. Puis il a fallu se replier sur les seuls éléments disponibles, à savoir le dispositif de détonation défaillant. Les engins que les gendarmes récupèrent sont plutôt communs, ce qui complique encore la tâche. «Près de 9 000 batteries, 4 000 convertisseurs et 27 000 programmateurs achetés avant l'explosion ont fait l'objet de vérification dans toute la France», a détaillé David Galtier. Des tonnes de tickets de caisse sont passés au crible, jusqu'à isoler un certain nombre d'acheteurs.
Deux affaires en une
Mais c’est une tout autre affaire, menée en parallèle dans le département des Bouches-du-Rhône, qui permet d’accélérer les choses. Les enquêteurs travaillent sur l’attaque à l’explosif d’un distributeur de billets (DAB) dans la région d’Aix, en août 2015. Sur les vidéosurveillances, ils repèrent un individu, cagoulé et seul, mais aussi une voiture qu’ils finissent par retrouver à Marseille quatre mois plus tard. La filature de son utilisateur permet de le cueillir en flagrant délit, attaquant un nouveau distributeur en juin dernier. Lors d’une perquisition au domicile de l’individu, les gendarmes découvrent 10 kilos d’explosifs, 7 détonateurs et plus de 30 000 euros provenant des attaques de distributeur. Outre les deux cas qui ont mené à lui, l’homme avoue spontanément qu’il s’en serait pris à quatre autres DAB entre 2012 et 2016, toujours selon le même mode opératoire. Il indique aussi aux enquêteurs une cache en pleine nature où les gendarmes retrouvent encore 80 kilos d’explosifs. Ils y découvrent aussi un pistolet dont l’homme s’est servi pour attaquer une carrière située en Isère en 2012. C’est là qu’il aurait dérobé près de 150 kilos d’explosifs, utilisés pour les attaques de distributeurs, mais aussi pour les explosions de LyondellBasell. Les deux affaires n’en font plus qu’une.
Le suspect, qui a été placé en détention provisoire, est mis en examen pour destruction et vol de biens par explosifs, ainsi que pour transport de substances explosives. Des faits passibles de dix ans de prison. «Nous poursuivons nos investigations pour vérifier qu'il n'a pas de de complice, a précisé la procureure. Si le mobile des attaques de distributeur semble être l'argent – il vit de façon précaire – il nous faut continuer à l'interroger sur son mobile pour Lyondell. Pour l'instant, c'est très nébuleux…»