Ce n'est pas le grand soir européen. Mais au moins, cette fois, les socialistes français n'offriront pas en spectacle leurs divisions sur l'Europe. Au lendemain du choix des Britanniques de sortir de l'Union européenne, le PS présentait, ce lundi soir en Bureau national, ses propositions européennes (et mondiales) en vue de 2017. Dans ce «cahier de la présidentielle» de 54 pages intitulé «Donner une force à l'Europe, donner un sens au monde», la direction du PS s'astreint ainsi à ne pas écorner le début de synthèse retrouvée, avant les européennes de 2014, sur ce sujet sensible à gauche.

Pas question pour le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, de rouvrir les fractures du Parti socialiste lors du référendum sur le traité constitutionnel européen de 2005 ou, plus proche de nous, les débats sur le traité de stabilité budgétaire ratifié tel quel en 2012 malgré les promesses de renégociation par François Hollande durant la campagne présidentielle. Le patron du PS épargne également à son camp le psychodrame connu en juin 2013 : la convention sur l’Europe organisée par le parti avait été le théâtre, d’abord, d’une attaque en règle contre Angela Merkel dans une première version du texte, puis de votes d’amendements compliqués…

Ce coup-ci, c'est sans risques. Et très proche des positions défendues aujourd'hui par l'exécutif. Sous l'appellation, «recommencer l'Europe», les socialistes font donc le constat que «l'Europe est arrivée au bout de son modèle d'intégration» et estiment qu'il faut désormais «concentrer son action sur les défis du futur qui nécessitent une action collective» : lutte contre le terrorisme, accueil des migrants, politique d'investissements et «régulation fiscale et commerciale». Plus que raccord avec François Hollande, ce n'est donc pas chez les socialistes qu'il faudra venir chercher l'idée d'un nouveau traité européen ou de la réduction du nombre de pays membres de l'UE.

Le PS reste ainsi dans la conception d'une «Europe des cercles», avec une «Union à 27 [qui] doit rester le socle» mais une «zone euro» en «point d'appui» de «coopérations renforcées». «Nous proposons qu'elle soit dotée d'un véritable gouvernement économique qui impulse une politique commune, gère un budget propre à la hauteur de l'importance de la zone et assure un contrepoids politique et démocratique à l'action de la Banque centrale européenne», écrivent-ils. La direction du PS réclame également le «contrôle démocratique» de ce gouvernement par «un Parlement de la zone euro».

Rien de révolutionnaire pour des socialistes qui se sont pris d'amour pour les «pactes». En tout, ils en proposent cinq. Un sur la «sécurité» intérieure («renforcement» des coopérations policières et judiciaires, des moyens d'Europol, «mise en place d'un parquet européen antiterroriste»), mais aussi extérieure (création d'une «réserve opérationnelle […] constituée de forces identifiées par les Etats membres et entraînées conjointement» pour bénéficier d'une «capacité de réaction rapide aux crises» ou encore des «moyens civils et militaires propres» à l'UE).

Ils proposent aussi un «pacte pour la démocratie» prenant la forme d'un «pacte européen pour les droits fondamentaux» et trois «pactes d'investissement» : l'un «écologique» pour «finance[r] les énergies nouvelles et les économies d'énergie» ou encore «la transformation agro-écologique du modèle agricole européen» ; un autre «tourné vers l'innovation et le développement numérique» ; et enfin un pacte «jeunesse» (accès à la formation, aide à la mobilité…). Devant le Bureau national de son parti, Cambadélis a ainsi plaidé pour «un pas supplémentaire dans la sécurité avant l'automne», une réunion «au moins une fois par an» d'un «conseil sur la défense de l'Europe», un «deuxième plan Juncker massifs d'investissements verts et de nouvelles technologies» et l'ouverture du programme Erasmus pour les apprentis.

Soucieux de ne pas créer de nouvelles fractures sur le front européen, les rédacteurs socialistes de ce «cahier» – destiné à nourrir le projet du candidat à la prochaine présidentielle – réalisent des prouesses de synthèses. Un exemple pour mettre d'accord des camarades qui se sont déchirés en 2005 sur la «concurrence libre et non faussée» ? «Dans l'économie de marché, ils disent oui à la concurrence dès lors qu'elle est stimulation et émulation. Mais ils disent non à la concurrence sociale et fiscale, parce qu'elle affaiblit et désunit», écrivent-ils.

Concrètement, ils proposent un «salaire minimum européen au-dessus du seuil de pauvreté et de 60%, au minimum, du salaire médian de chaque pays», un «socle commun de droits sociaux», plaide pour la convergence des «bases des taux minimum de l'impôt sur les sociétés» ou en faveur d'une nouvelle directive sur les travailleurs détachés. Enfin, sur la question des réfugiés, les socialistes réclament de nouvelles règles, la création d'un «corps de garde-frontières» et celle d'un «office européen des réfugiés».