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Analyse

Hollande joue la carte du Sud…

Après que l’Elysée a multiplié les contacts avec les «pays du Club Med», Paris, Berlin et Rome ont affiché lundi soir leur volonté de promouvoir une «nouvelle impulsion» pour l’UE.
Manuel Valls, Matteo Renzi et François Hollande dans la cour de l’Elysée, samedi. (Photo Marc Chaumeil)
publié le 27 juin 2016 à 20h31

A entendre les diplomates français lundi, les différences qui se faisaient jour entre Paris et Berlin sur le rythme des opérations post-Brexit n'étaient qu'une simple question de tonalité, à la rigueur de vocabulaire, mais surtout pas une divergence de fond. «Les Français aiment le mot "initiative", les Allemands aiment celui de "stabilité". François Hollande dit "sursaut", Angela Merkel dit "renforcement"», relativisait une source diplomatique. «En temporisant, Merkel fait exactement ce qu'on reproche d'habitude à Hollande mais qu'il ne fait pas cette fois-ci», analysait un membre du gouvernement, pour qui «il faut être ferme sur la rapidité [du processus de sortie du Royaume-Uni]. Si on ne réussit pas ça, on peut avoir quinze années de blocage à cause des Britanniques».

Le mini-sommet de Berlin, où Merkel et Hollande ont été rejoints par le président du Conseil italien, Matteo Renzi, lundi soir, a été l'occasion d'ajuster un discours commun, après trois jours de temporisation allemande et à la veille d'un Conseil européen crucial. Merkel «veut de la stabilité quand les Britanniques créent de l'instabilité, analyse un proche du chef de l'Etat. Aujourd'hui, il faut remettre un cadre, et l'allié sur lequel elle peut compter pour ça s'appelle Hollande». D'autant que les quatre plus grandes formations du Parlement européen s'étaient prononcées pour la position française : engager le Brexit dès mardi.

Vu l'onde de choc provoquée par le référendum britannique, parvenir à afficher lundi soir une position commune des trois pays qui pèsent 70 % du PIB européen faisait peu de doute. Tout dépend désormais de ce qu'on met concrètement dans les propositions. Il y a sur la table des avancées en matière de sécurité et de défense, une relance de la croissance et de l'investissement, et de nouvelles initiatives en direction de la jeunesse. Soit peu ou prou, avec une «gouvernance de la zone euro», les propositions que la France préconise depuis quatre ans sans jamais avoir obtenu l'aval de l'Allemagne. Qui a donc mis de l'eau dans son vin en acceptant, lundi soir, une «nouvelle impulsion» européenne dans les mois à venir. Pour justifier ce virage sur l'aile allemand, un conseiller présidentiel assure que «le contexte a changé» après les attentats et le Grexit évité. «On ne peut plus se permettre d'attendre la prochaine crise.»

Parallèlement au jeu diplomatique classique entre Paris et Berlin, Hollande a joué sur deux leviers pour faire bouger la chancelière. En jouant la carte de l'Europe du Sud. Avec Matteo Renzi, mais aussi le Premier ministre grec, Aléxis Tsípras, qu'il a eu au téléphone samedi, l'Espagne et le gouvernement portugais, François Hollande parie sur un rééquilibrage de l'Europe en faveur des «pays du Club Med», méprisés par la prospère Europe du Nord. En travaillant ensuite l'Europe sociale-démocrate, dont il doit accueillir les leaders à Paris en fin de semaine. Pendant le week-end, il a multiplié les contacts avec le SPD allemand, allié de Merkel au sein d'une grande coalition. «On n'est pas là pour l'embêter, mais pour l'entraîner», assure-t-on dans l'entourage du Président, où on balaie l'idée que l'Allemagne rechignerait à faire cause commune avec un dirigeant qu'elle estime à bout de souffle à un an de l'élection présidentielle. «On est dans une période historique, veut croire un diplomate hexagonal. L'heure n'est plus à la politique politicienne.»