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Les évêques de France en croisade pour 2017

Conférence de presse de la Conférence des évêques de France, en avril 2016. (Photo Albert Facelly pour Libération)
publié le 28 juin 2016 à 18h21

Le ton est policé, diplomatique, un brin langue de buis (l'équivalent catholique de la langue de bois). Mais le message, lui, est clair. Les évêques catholiques français se désespèrent de la teneur du débat politique hexagonal qui manque, de leur point de vue, de hauteur. Ils l'ont fait savoir dans un texte officiel, rendu public il y a une semaine et adressé, entre autres, aux partis politiques. Une sorte d'admonestation soft. A leurs yeux, la «vie démocratique» est frappée par le «discrédit» et «l'impuissance». Ils déplorent «l'excès de lois circonstancielles» et la disparition de la notion de bien commun. Aux médias, suspectés de développer une «sorte d'hystérie de la vie publique», ils reprochent de focaliser l'attention «sur des conflits de personnes» et «des ambitions particulières». A bon entendeur salut !

Depuis 1972, les évêques ne donnent plus de consignes de vote à leurs ouailles. Et fort heureusement ! Mais ils ont pris l’habitude, à quelques mois d’échéances électorales importantes, de publier des textes censés alimenter la réflexion des catholiques. Pour les élections présidentielle et législatives de 2012, ils avaient produit leur texte six mois avant l’échéance. Cette fois-ci, ils s’y prennent avant le démarrage même de la campagne pour la primaire à droite et revendiquent de s’adresser à l’ensemble des Français.

Dans leurs critiques, les évêques estiment être les porte-parole de la société. «Ils disent ce que disent les Français, estime Olivier Ribadeau-Dumas, secrétaire général de la Conférence des évêques de France, sollicité par Libération. Mais ce qui me paraît fondamental, c'est que les évêques croient profondément à l'importance de la politique.» Pour le reste, les hiérarques catholiques affichent une ligne «bergoglienne», en phase avec les préoccupations sociales du pape François. Dans son texte, l'épiscopat relaie des thèmes chers au chef de l'Eglise catholique : l'éducation des jeunes, le refus du tout-économique, la préoccupation à l'égard des migrants et l'importance de la question écologique.

Pour autant, quand il s’agit de politique, les évêques français marchent toujours sur des œufs. Au début du quinquennat de François Hollande, la rude bataille contre le mariage pour tous a ainsi tendu fortement les relations avec le gouvernement. Mais l’embellie semble en vue. L’Elysée a envoyé les signaux de la réconciliation en trouvant notamment une issue à l’affaire sensible de la nomination de l’ambassadeur de France auprès du Vatican. Dans la foulée, le président de la République a écrit au pape pour l’inviter à venir en France. Bref, le ton a changé.

Quitte à décevoir l'aile conservatrice du catholicisme hexagonal, les évêques font quasi l'impasse sur des questions qui lui sont chères, liées à la morale et à la famille. Ils ont évité de prendre de front les sujets chauds (qui divisent au sein même de l'épiscopat) tels l'islam ou la montée de l'extrême droite dans le vote catholique. «Le vote pour le FN me paraît difficilement compatible avec ce qui est écrit dans ce texte», remarque Laurent Lemoine, théologien. Quoi qu'il en soit, les évêques ne sont pas prêts au Cathoxit. A la rentrée, ils seront encore présents sur ce terrain et publieront un nouveau texte, cette fois-ci sur le sens de la politique…