Le patronat français défie le gouvernement sur le compte pénibilité. Ce mercredi, le patron des patrons, Pierre Gattaz, a ouvert les hostilités : les six nouvelles obligations du compte pénibilité qui entrent en vigueur le 1er juillet, les adhérents du Medef ne les «appliqueront pas». «On ne sait pas faire», justifie Gattaz qui dénonce depuis des mois une «usine à gaz» sans dire que les entreprises ont encore un peu de temps pour s'y faire justement. Elles ont jusqu'à début 2017 pour remplir leurs déclarations, avec possibilité de les modifier jusqu'en septembre suivant.
Pour le gouvernement, c’est un nouveau bras de fer en perspective. Impossible pour lui de tirer un trait définitif sur ce marqueur fort de la réforme des retraites votée en 2013. Entré en vigueur en 2015, le compte pénibilité doit bénéficier en priorité aux classes laborieuses : pour quelque trois millions de salariés – abonnés aux tâches pénibles – il permet de cumuler chaque année des points, dont la conversion peut permettre de partir plus tôt à la retraite, de se former ou de passer à temps partiel. A compter de 2015, un salarié peut cumuler jusqu’à huit points par an, et au maximum 100 points dans sa carrière.
Rébellion ouverte
Depuis 2015, les entreprises sont tenues de codifier quatre facteurs de pénibilité : le travail de nuit, le travail répétitif, en horaires alternants ou en milieu hyperbare (sous-marin). A partir du 1er juillet, les choses se compliquent avec l'entrée en vigueur de six nouveaux critères, pas toujours faciles à évaluer : postures pénibles, manutentions manuelles de charges, agents chimiques, vibrations mécaniques, températures extrêmes et bruit.
Nombre de petits patrons pour qui l'affaire promet de devenir kafkaïenne sont entrés en rébellion ouverte. Et les efforts du gouvernement pour simplifier le dispositif n'ont pas suffi à calmer la grogne. Pour beaucoup de chefs d'entreprise et d'agriculteurs, «ce compte pénibilité impraticable» n'est qu'une démonstration de plus de la «méconnaissance totale» de leur réalité par le «pouvoir socialiste». C'est donc sous la pression de sa base que Gattaz freine des quatre fers alors que l'heure est venue de passer aux travaux pratiques. Pour lui, a minima, un report de l'entrée en vigueur des nouveaux critères s'impose.
Pour le Medef, ce combat-là ne peut être perdu. Du coup, la CFDT, qui, elle, défend mordicus le compte pénibilité, est devenue l'ennemi à abattre. Une brouille qui n'est pas sans rapport avec l'échec des négociations sur l'assurance chômage et dont les conséquences débordent désormais sur la loi El Khomri. Au dirigeant du syndicat réformiste, Laurent Berger, qui suggère de renforcer le rôle de la branche professionnelle dans la loi El Khomri pour sortir de l'impasse, Gattaz oppose une fin de non-recevoir : «Le Medef s'élève très fortement contre toute nouvelle déformation» du projet de loi travail.