La présidence de la République est-elle soumise au code des marchés publics ? Intéressant débat, dont dépend la poursuite ou l’enterrement de l’affaire des «sondages de l’Elysée». Jeudi, la chambre de l’instruction a toutefois refusé de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité déposée à ce sujet par la défense, tuant le débat dans l’œuf. Mais il reviendra sur la table un jour, et la justice devra statuer sur le fond. Six anciens conseillers de Nicolas Sarkozy (Claude Guéant, Emmanuelle Mignon, Jean-Michel Goudard, Julien Vaulpré, Pierre Giaccometti, Patrick Buisson) sont mis en examen pour avoir commandé (ou bénéficié de) plus de 2 millions d’euros de sondages sans appel d’offres. Un délit passible de deux ans de prison.
D'entrée de jeu, ils se sont réfugiés derrière la coutume, faisant témoigner à décharge d'anciens hauts fonctionnaires. Comme Bernard Trichet, trésorier-payeur-général de profession, directeur du personnel et des services financiers de l'Elysée à partir de 2007 : «La présidence de la République, du fait de son statut particulier, se considère comme en dehors de toute règle administrative ou financière. En arrivant, il m'a été dit que l'irresponsabilité du Président couvrait l'intégralité de la présidence. J'ai été surpris de ce mode de fonctionnement.» Et de s'en remettre à une note écrite de son prédécesseur, Daniel Revel, ayant officié sous Chirac : «Le droit de la comptabilité publique n'y est pas appliqué. Cela s'explique sans doute par l'histoire, la présidence de la République a toujours été considérée comme l'héritière de la monarchie. C'est la coutume et non la loi qui régit ce fonctionnement hors du droit commun.» Mettant sa casquette d'historien, Patrick Buisson en a rajouté une couche lors de son audition en octobre : «Je n'avais aucune raison de m'interroger sur la légalité des procédures, pas plus que les quelque 9 000 fournisseurs depuis la présidence du général Mac Mahon, qui tous avaient travaillé hors convention ou marché public.»