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Droite

Les simagrées du candidat Sarkozy

Le conseil national de LR doit adopter ce samedi le «projet des Républicains». Pour ses concurrents à la primaire, il s’agit en fait du programme de l’ancien chef de l’Etat, à leurs yeux déjà en campagne.

Nicolas Sarkozy, le 18 mai à Paris. (Photo Thomas Samson. AFP)
Publié le 01/07/2016 à 20h21

Dans le monde selon Sarkozy, ce samedi devait être une apothéose. Déchirée par la guerre de succession qui fit rage après la défaite de 2012, «la famille» se réunit à Paris pour affirmer qu’elle est en ordre de marche, rassemblée derrière son leader. Les cadres du parti Les Républicains (LR) se réunissent salle de la Mutualité en conseil national pour approuver un «projet d’alternance» censé engager tous les candidats à l’élection primaire des 20 et 27 novembre.

Aucun suspense : ce projet sera plébiscité par une écrasante majorité. Pour que la fête soit belle, les organisateurs sarkozystes ont envisagé un vote par acclamations. Un juppéiste approuve : cela donnerait à cette manifestation une petite touche «nord-coréenne» d'assez bon aloi… Pour lui, pas de doute : c'est plus à un meeting de soutien au candidat Sarkozy qu'à la réunion statutaire du parlement du parti que sont conviés les conseillers nationaux de LR. Les bons sondages des dernières semaines vont sans doute chauffer l'ambiance. Selon plusieurs enquêtes, Sarkozy est repassé devant Juppé dans les intentions de vote des électeurs LR. «Je ne suis pas mort !» se serait exclamé le miraculé, selon le Figaro. Cette incontestable remontée doit être relativisée : au second tour de la primaire, la plupart des sondages donnent toujours près de 20 points d'avance au maire de Bordeaux. En redevenant chef de parti, fin 2014, l'ex-président se faisait fort de tuer le match. Force est de constater que c'est très loin d'être le cas.

A la Mutualité, l’unanimité de façade ne fera pas illusion. Parce qu’ils ont bien compris, depuis deux ans, que le parti n’était qu’un instrument au service du candidat Sarkozy, ses principaux concurrents dans la primaire ne participeront pas au vote sur un projet qui ne les «engage» en aucune manière. Certains «petits» candidats, comme Jean-François Copé et Hervé Mariton, ont prévu de se déplacer pour expliquer leur opposition à un projet pas assez radical à leurs yeux. Bruno Le Maire, lui, s’est fait excuser : il est en campagne du côté d’Aix-en-Provence. Alain Juppé ne se montrera que dans la matinée et il s’envolera après le déjeuner car il y a foot, ce soir-là, dans sa ville de Bordeaux. François Fillon fera l’inverse. Absent le matin, il ne passera que l’après-midi et prendra la parole juste avant le discours de clôture du chef LR.

«Ecrabouiller»

Comme chaque fois qu'il s'exprime devant des militants, Sarkozy ne manquera pas de vanter son bilan à la tête du parti. Il dira sa satisfaction d'avoir remis sur pied sa «famille» en ruine, déchirée par la haine. Comme toujours, il se gardera de préciser que c'est l'acceptation du principe de la primaire qui a rendu possible la pacification de la droite. Il ne devrait pas non plus insister sur le nombre d'adhérents. Avec plus de 200 000 militants, LR mérite très largement le titre de premier parti de France. Mais on reste très loin de l'objectif extravagant du demi-million fixé début 2015 par Sarkozy, lors du congrès fondateur de LR. Depuis qu'il s'est fait élire à la tête de l'UMP, en novembre 2014, il martèle que son devoir de patron du parti lui impose de construire un «projet collectif». Telle serait son «ardente obligation», comme on aime dire à droite. La manœuvre n'a trompé personne. Malgré tous ses efforts, Sarkozy n'aura pas réussi à faire croire que son rôle de chef de parti ne se confond pas avec celui de candidat à la présidentielle. Depuis deux ans, il est clair que l'Elysée est son seul et unique objectif, le parti n'étant pour lui que l'arme fatale qui lui permettra d'«écrabouiller» - le mot est de lui - la concurrence. La réunion de ce samedi doit donc couronner cette stratégie. Après cette échéance, le chef va passer la main. Parce qu'il est interdit de faire campagne avec les moyens du parti, les statuts de LR disposent en effet que le président doit démissionner dès lors qu'il déclare sa candidature à la primaire. Cette démission doit intervenir au plus tard le 25 août, deux semaines après le début officiel de la campagne.

En conclusion de cet ultime conseil national, Sarkozy dira sa satisfaction du travail accompli. Sans doute sera-t-il tenté de reprendre la formule de son premier discours de candidat, en janvier 2007, quand il a quitté la présidence de l'UMP : «Dès l'instant même où vous m'avez désigné [candidat à la présidentielle], je cesse d'être l'homme d'un seul parti.» Dix ans après, un remake paraît très improbable. Comment pourrait-il faire un événement de sa déclaration de candidature à la primaire, alors que chacun voit bien qu'il est déjà en campagne, avec les moyens du parti, et en dépit des protestations de ses concurrents ? Pour ces derniers, le projet au conseil national est celui du candidat Sarkozy. Copé est formel : «Par définition, ce projet n'engage personne d'autre que Sarkozy, puisque c'est son projet.» Au siège du parti, on proteste que «les propositions des Républicains» ont été présentées lors de journées de travail mensuelles, animées par Eric Woerth puis approuvées par les adhérents, consultés par Internet.

A la marge

En réalité, cet exercice de démocratie participative n'aura été qu'un habillage : les principales propositions retenues ont été systématiquement annoncées dans la presse par Sarkozy, la veille des «journées de travail». Comme tout le monde à droite, l'ancien chef de l'Etat veut supprimer l'ISF, sortir des 35 heures, baisser les charges et la dépense publique, rendre les allocations chômage dégressives, réformer encore les retraites et réduire les effectifs des fonctionnaires. Il se distingue à la marge de Juppé et Fillon en se montrant légèrement moins libéral. Pour Sarkozy, la construction d'un projet était d'abord un moyen d'affirmer son leadership. Il a pris soin, çà et là, d'y poser quelques marqueurs discriminants. Contre Fillon-la-rigueur, le projet Sarkozy ne craint pas de baisser de 10 % l'impôt sur le revenu. Contre Juppé, accusé de complaisance avec le multiculturalisme, il prétend imposer «l'assimilation» des immigrés. Contre Le Maire, l'homme du renouveau, il restaure la bonne vieille pratique du cumul des mandats (lire ci-dessus). D'un simple clic, tous ces marqueurs ont été validés par quelques milliers de sarkozystes. Quiconque s'en éloigne, s'éloigne donc aussi de «la famille». CQFD.