Menu
Libération
Fins de mois

Loyers : François Baroin et Thierry Solère mériteraient un recadrage

François Baroin, en 2012. (Photo Yuri Gripas. Reuters)
Publié le 01/07/2016 à 19h42

François Baroin et Thierry Solère, les deux députés LR, s'amusent. Voilà qu'ils comparent la France à la Corée du Nord, parce ce que l'encadrement des loyers va être étendu aux 411 communes de la banlieue parisienne. Pas sûr, cependant, que leur propos fasse rire grand monde, sauf à être à l'abri des fins de mois difficiles. Rappelons qu'entre 2004 et 2014, les loyers ont augmenté de 34 % à Paris et de 32 % dans sa périphérie (où vivent 12 millions de personnes). Sur le plan national, la hausse a été de 22,2 %, sans que le pouvoir d'achat ne suive toujours. Une étude de l'Agence départementale d'information sur le logement (Adil 75) a montré que des locataires parisiens, notamment les jeunes, consacraient parfois plus de la moitié de leurs revenus au logement. Que leur reste-t-il pour se nourrir, s'habiller, se soigner, se cultiver ou se divertir ? Dans la circonscription de Thierry Solère (Boulogne-Billancourt, commune limitrophe de Paris), un Smic mensuel de 1 135 euros ne suffit pas toujours pour payer la location d'un deux-pièces (entre 1 000 et 1 400 euros si l'on se réfère aux sites d'annonces immobilières). De fait, la France est confrontée à un énorme problème de cherté des loyers, qui siphonnent les budgets des familles dans les grandes villes. Le sujet mériterait un débat autrement plus sérieux que les petites phrases des deux compères Baroin-Solère qui ont juste vocation à faire du buzz. Qui a entendu François Baroin s'inquiéter de l'envolée des loyers quand ils augmentaient au rythme de 4 à 6,6 % par an dans la période 2000-2007 alors qu'il était député de la majorité puis ministre ? Qui a entendu Thierry Solère s'indigner quand des étudiants ou des jeunes salariés payent jusqu'à 600 euros de loyer pour une chambre de bonne de 10 m² au cinquième étage sans ascenseur avec WC et douche sur le palier ? Les deux s'en remettent au seul marché qui se régule à coups de hausses successives dans les zones tendues comme l'Ile-de-France, la Côte d'Azur et d'autres grandes villes, où la rareté du foncier ne permet pas de construire autant qu'il le faudrait. Cette tension sur le marché locatif profite depuis vingt ans aux bailleurs, qui ont vu par ailleurs la valeur de leur patrimoine immobilier tripler. Ils sont les gagnants de la période, au détriment des actifs qui mettent une part de plus en plus importante de leurs revenus dans le loyer. Donc pas de quoi crier au scandale, sur cet encadrement qui vise surtout à parer aux abus. Car contrairement à ce que laissent entendre les deux députés LR, la loi ne «fixe» aucunement le «prix des loyers». Elle les encadre : dans chaque quartier sont calculés des loyers médians, qui reflètent donc l'état du marché. Les prix des nouvelles locations doivent être conformes à cet indicateur majoré au maximum de 20 %. Le dispositif donne de la souplesse tout en évitant les excès les plus scandaleux. Mais les deux parlementaires ont préféré copier et coller les arguments des lobbys de l'immobilier plutôt que de regarder la réalité sociale en face.