«"J'en ai marre. Toute ma vie, je me suis battu pour un modèle de société et il est en train de s'effondrer. Toute ma vie, j'ai eu une certaine vision de l'action politique. Et ils agissent tout à fait autrement, à rebours… C'est de la forfaiture. Ça fait vingt ans que toi et moi, nous disons la même chose sur le temps de travail, sur l'Europe et sur toutes les menaces, de plus en plus graves, qui s'accumulent sur nos têtes, et tout le monde s'en fout. Et on va vers la catastrophe…" Ce jour-là, j'ai cru que Michel allait pleurer. C'était le 4 mars dernier. Nous étions dans son bureau et je lui proposais une tribune commune, dessinant une alternative à la loi travail. Comme souvent, j'arrivais avec un texte que je pensais retravailler avec lui. Mais Michel n'en voulait pas : "Je suis d'accord avec tout ce que tu as écrit, mais je ne signe pas. Ça ne sert à rien. J'en ai marre."
«En quittant son bureau, j’étais dans une colère noire contre Hollande, Valls et tous ceux qui leur laissent le champ libre. Ils ont tué Jaurès et désespéré Rocard. Lui qu’on présente souvent comme un "techno", était l’un des rares à porter un projet de civilisation : en 1988, son discours d’investiture affichait comme ambition fondamentale de "construire un pays qui retrouve le goût de la fête".
«De Michel, ses amis se souviendront des moments de convivialité et des débats passionnés conclus d’un "tu me fais chier, frangin !" souriant, quand sa position n’était plus tenable.»