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Libération
Le transgressif

Défenseur acharné du «travailler moins»

publié le 3 juillet 2016 à 19h31

Sur le perron de l'Elysée, en 1996, Michel Rocard se présentait déjà comme un «combattant de cette cause». Celle de la réduction du temps de travail, dont il venait, pendant une heure, de vanter les mérites au président de la République, Jacques Chirac. Vingt ans plus tard, c'est avec cette même «cause» chevillée au corps, qu'il paraphe, le 4 mai 2016, un appel intitulé «Travailler moins pour travailler tous et mieux». Publié dans les colonnes d'Alternatives économiques, le texte, signé par 150 autres personnalités (dont seulement 20 socialistes) veut remettre le sujet au cœur du débat public, «pour réduire le chômage, mais aussi pour reprendre la marche en avant du progrès social et sociétal». Un pari un peu fou, vu le peu de voix, notamment au PS, qui se lèvent aujourd'hui pour défendre «ce sujet devenu tabou», de l'aveu même de Rocard.

Trois ans plus tôt, le 26 février 2013, l'ancien Premier ministre convoquait le «grand Keynes» pour défendre sa marotte, dans le Nouvel Economiste. Il rappelait, alors, qu'«en septembre 1930, en pleine crise, l'auteur de la Théorie générale pronostiqu[ait] qu'à la fin du siècle il suffir[ait] de trois heures par jour - ou de quinze heures par semaine de travail salarié - pour que l'humanité subvienne à ses besoins !» Avant d'ajouter : «Je fais partie de ceux qui ont intégré cette vision : il faut utiliser la variable du temps de travail pour se débarrasser du chômage.»

Le socialiste venait, un mois plus tôt, de publier La gauche n'a plus le droit à l'erreur, un essai signé avec Pierre Larrouturou, l'actuel coprésident de Nouvelle Donne. Le 25 juin 2013, les deux hommes revenaient longuement sur leur diagnostic commun et leurs solutions dans une interview à Libération. Michel Rocard y expliquait pourquoi il fallait «baisser le temps de travail très fortement». Allant jusqu'à défendre «les 29 heures de travail hebdomadaires», pour se rapprocher du plein-emploi. Tout en proposant des clés de mise en œuvre : faire en sorte que «les partenaires sociaux négocient au plus vite» et «aider les entreprises» en jouant sur le niveau des cotisations.

Car si Rocard défendait le bilan de la réforme des 35 heures de Martine Aubry, - qui avait créé, rappelait-il en 2013, près de 350 000 emplois -, il regrettait la méthode choisie : le passage par la loi. «Je prône l'incitation plutôt que la coercition, Martine Aubry et Lionel Jospin ne me suivent pas et fixent, en 2002, la durée légale du travail à 35 heures hebdomadaires. C'était une erreur de le faire par la contrainte», raconte-t-il dans un entretien au Parisien, le 16 avril 2013. «On a pris de la plus mauvaise manière possible une mesure dont le sens général était bon. On y a mis trop d'administration. […] De toutes les démocraties, la France est la seule où la loi s'est occupée du temps de travail, et finalement, on a fait moins bien que les autres», regrettait-il encore, il y a dix jours, dans le Point.