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Libération
Par François Palliet, son ex-officier de sécurité

«On parlait peu politique, mais en 1995, il m’annonce qu’il renonce à être candidat»

François Palliet, officier de sécurité de Michel Rocard de 1987 à 1995, se souvient d'un homme «heureux et jovial», même s'il «avait du mal à faire tomber la cravate».
Michel Rocard, à Lyon, en 2007. (Photo Philippe Merle. AFP)
publié le 3 juillet 2016 à 19h02

«C’était une très belle personne, sur plan intellectuel comme humain. Il était assez facile à protéger, car il acceptait sans difficulté les contraintes liées à sa sécurité. Sauf peut-être les mesures parfois trop contraignantes du pays d’accueil, quand on voyageait. De notre côté, on savait être souple, le laisser respirer. L’époque n’était pas aussi violente qu’aujourd’hui.

«Les rares moments un peu chauds, ce fut en Australie, lors d’un voyage officiel, quand des manifestants qui protestaient contre les essais nucléaires se sont mis à lui jeter des pierres, ou encore au congrès de Rennes du PS en 1990. Il y a aussi eu ce soir de 1988 où on était tous rentrés chez nous (à l’époque on ne dormait pas à Matignon), et où s’est produit un accident de RER. Il est parti tout seul dans Paris avec son chauffeur sur les lieux de l’accident. Ce qui n’a pas manqué de provoquer la réprobation du ministre de l’Intérieur.

«Un garde républicain s’est rué vers nous pour éteindre ce qu’il croyait être un incendie»

«C'était également quelqu'un qui fumait beaucoup. Des Gauloises. Je me souviens d'un des premiers trajets vers Matignon, alors qu'il venait d'être nommé Premier ministre. Dans la voiture blindée, difficile d'ouvrir les vitres. Or il avait tellement fumé sur le trajet qu'en arrivant dans la cour de Matignon, quand on a ouvert les portes, un garde républicain s'est rué vers nous pour éteindre ce qu'il croyait être un incendie… "Non, c'est juste le patron qui a fumé", lui a-t-on répondu.

«En tant que Premier ministre, il était heureux, jovial. Il distillait une vraie bonne ambiance dans le cabinet. Il n’était pas soupe au lait, ne piquait jamais de colère. En tout cas, pas devant nous. Même chose en vacances, même si c’est quelqu’un qui avait beaucoup de mal à faire tomber la cravate.

«On parlait peu politique ensemble. Je me souviens juste qu'en 1995, sortant d'une rencontre avec Jospin, il m'annonce qu'il renonce à être candidat à la présidentielle. "Je n'ai pas d'espace", me glisse-t-il simplement dans la voiture. Peu de temps après, je quittais sa sécurité.»